Les CDs à la loupe

Je ne m’attendais pas à ce que ma vie prenne un tel virage ce soir où le cousin Georges m’a entraîné à la FAC de lettres pour y chanter quelques chansons à l’une de ces soirées que Richard Weiss y organisait au début des années 70. J’avais certes composé 2 ou 3 chansons en dialecte alsacien, mais de manière tout à fait incidente.

 

Le cousin Georges, vu le succès rencontré, guitare sous le bras (j’avais appris les quelques accords de base indispensables pour m’en accompagner pendant mon service militaire) m’a emmené dans un bistrot du Neudorf où je rencontrais le responsable d’un studio d’enregistrement. Ce dernier, considérant la maigreur de mon répertoire et ma maladresse, m’a gentiment invité à travailler et à habiller tout ça. J’étais à l’évidence loin d’être mûr.

 

En ce temps-là, il était à peu près possible de chanter tout et n’importe quoi, pourvu que ce fût en dialecte. J’avais cependant et sans bien m’en rendre compte, touché un public orphelin de poésie plus affirmée et d’engagement politique et social ; un public (la formule est certes un peu lapidaire) moins populaire, plus intellectualisant. Le 27 août 1974, Gérard Brillanti, producteur, m’invitait à enregistrer dans les studios de l’O.R.T.F., d’abord pour la radio, puis pour la télé.

 

C’est à cette même époque que je reçus la visite d’Armand Peter. Il m’a parlé de Front Culturel Alsacien, de réveil, de combat, d’unité.

 

Je n’entendais à vrai dire pas grand-chose à ce discours politique. Tout comme la plupart des jeunes alsaciens, je ne connaissais de l’histoire de l’Alsace que ce qu’on m’en avait enseigné à l’école, c’est-à- dire… RIEN. J’étais bêtement persuadé, comme l’étaient les petits africains dans les colonies françaises, que nos ancêtres étaient les gaulois, que Charles Martel avait arrêté les arabes à Poitiers, que Turenne était un héros alsacien puisqu’on avait érigé un monument à sa gloire à Turckheim et que pendant la dernière guerre, tous les allemands étaient des nazis, tous les français étant dans la résistance.

 

Se battre pour l’alsacien ne me paraissait utile en rien. On ne m’avait jamais interdit de le parler à l’école primaire de Bischheim où j’ai joyeusement fait l’apprentissage de la langue française (la stupidité n’avait pas contaminé l’intégralité du corps enseignant.) Je pratiquais cette langue depuis mon enfance, librement et quotidiennement ; ordinairement, tout comme je respirais et ne la sentais pas franchement menacée.

 

Passé le discours politique, Armand Peter me présentait un projet qui était de nature à me séduire. Il me proposait d’enregistrer un 33 tours et de le vendre en souscription avec un livre « La mort du Rhin », cosigné par les poètes Jean-Paul Klee et Jean-Paul Sorg.

 

Dany Mahler m’avait assuré quelques temps plus tôt : « si jamais un jour, il te venait l’idée de faire un disque, pense à moi, j’aimerais en réaliser l’enregistrement ». C’est ainsi que naquit « Schatteliecht »… le doigt était pris dans l’engrenage.

 

Avant d’en arriver là, il y avait toutefois du pain sur la planche. Il me fallait à la fois étoffer mon répertoire et comme il avait été suggéré quelques temps plus tôt, habiller toutes ces chansons. Il était hors de question de graver pour « l’éternité » des fadaises du genre « Von Rixe uf Habse do gibts e Tunel, Wenn d’nin kommsch isch Finschter, wenn d’rüs kommsch isch hell… »

 

 

Je fréquentais depuis début 1975 celle qui serait la mère de mes enfants, Martine Garner. Elle se disait francophone, mais comprenait parfaitement le dialecte et pouvait le pratiquer sans aucun problème. Mon engagement avait alors pris des proportions telles que je n’imaginais pas qu’il puisse se vivre en marge de ma vie affective. La mère de Martine a levé très simplement, intelligemment, les premières et fortes réticences : « tu n’as qu’à essayer, et si ça ne marche pas, il s’en rendra bien compte ! » Martine a essayé et elle s’est prise au jeu. Nous chantions en duo. C’est par là qu’a commencé « l’habillage » d’une bonne partie de mes chansons.

 

Armand Peter s’occupait essentiellement d’édition. Le lancement de l’opération supposait par ailleurs le soutien d’une structure à créer. Ce fut le CEDA (Collectif d’Edition et de Diffusion d’Alsace), mouvement associatif, intégralement composé de bénévoles, des anonymes, des gens de bonne volonté, d’une générosité étonnante, qui ont passé des heures à plier et encoller un millier de pochettes de disque, à encarter, à écrire des enveloppes, à distribuer des milliers de prospectus, à livrer des disques et livres aux quatre coins de l’Alsace pour faire l’économie des frais d’expédition.

 

Nous n’acquittions aucune taxe (T.V.A.), le CEDA s’étant fixé pour règle de ne faire aucun bénéfice ; ou plus exactement, de réinvestir pour peu qu’il y en ait, les bénéfices dans la réalisation de nouvelles créations. L’opération connut un succès inespéré. Les premiers 1000 disques épuisés, il en sera pressé 1000 autres. Le petit bénéfice ainsi réalisé, permettait de lancer l’enregistrement de « Umesunscht ? », le premier disque de René Eglès dont le succès fut plus considérable encore et, de là, « Miederle » de Sylvie Reff.

 

La structure juridique parut par la suite trop étriquée à d’aucuns et une majorité devait convenir qu’il fallait passer à la vitesse supérieure en se moulant dans la logique du système économique. Le CEDA se transforma dès lors en EMA « Editions Musicales d’Alsace »… mais nous sommes là dans une autre histoire qui n’est plus tout à fait la mienne et dont d’autres témoigneront avec plus de pertinence.

 

 

SCHATTELIECHT (1976)


 

 

Ce que je vais en raconter peut prêter à sourire, surtout lorsqu’on a eu l’occasion de fréquenter plus récemment un studio d’enregistrement.

 

Dany Mahler était un fana de technique, mais il travaillait dans la maintenance des ascenseurs et ne disposait pas personnellement d’un studio d’enregistrement. Il fallut donc premièrement trouver un lieu. Les contraintes, ou plus exactement nos objectifs économiques, impliquaient qu’il fut mis gracieusement à disposition.

 

Nous voulions vendre et donc produire le moins cher possible… l’accès à la culture devait être à la portée des bourses les plus modestes. C’est à Hoenheim, dans la cave de la maison parentale, que se feront donc les premiers enregistrements.

 

Ladite cave comportait 4 volumes distincts. Dany s’installait dans le premier avec son magnétophone et sa table de mixage à 64 boutons, moi et les musiciens dans le second, à portée de voix et de regard, la batterie, considérant sa dynamique particulière, dans le quatrième, le plus loin possible.

 

Quand nous jouions tous ensemble, nous n’entendions plus le batteur qui lui ne nous entendait qu’au moyen d’un casque directement relié à la table de mixage. C’est dire la difficulté qu’il y avait parfois à jouer en rythme. Ne disposant que d’un magnétophone bi-piste, le mixage se faisait à l’entrée et aucune retouche n’était plus possible. Bref, les conditions d’enregistrement étaient celles du « live ». C’était ou bon pour tout le monde ou à recommencer.

 

Tout cela n’avait été précédé d ‘aucun travail préparatoire sérieux. Mises au point, répétitions, balance et enregistrement faisaient l’objet d’une seule et même séance. Le nombre de prises par chanson était considérable. Gagnés par la fatigue et le manque de vigilance, il nous est arrivé de faire l’impasse sur un instrument qui s’était légèrement désaccordé, la version nous paraissant par ailleurs enfin globalement bonne. Ce fut parfois long et fastidieux. Il n’était pas rare que Dany s’endorme à la console sur le coup des deux heures du matin. Nous eûmes aussi droit à l’appel courroucé d’un voisin qui se plaignait de ne pas pouvoir dormir et menaçait d’appeler les gendarmes pour faire cesser ce tapage nocturne.

 

A l’approche des vacances, nous n’en avions pas terminé. Les derniers enregistrements se feront à la rentrée, à Oberhausbergen, dans la cave insonorisée de Gérard Gény.

 

Lorsqu’il fut temps de passer à l’étape suivante, celle de la fabrication, je me trouvais confronté à un dilemme inattendu. Une face de disque ne pouvait guère contenir plus d’une vingtaine de minutes. Nous en avions enregistré bien davantage. Il fallait au minimum, faire passer 4 chansons à la trappe. Le choix, cornélien pour ce qui était alors le seul et unique disque que je pensais produire dans ma vie, devait se porter sur « Kamerade Soldate » que je réenregistrerai en 1980, « De Dichter » que je réenregistrerai en 1982, « Swing Swing » que je réenregistrerai en 1995 et sur « De Fackelzug », une chanson au vague rythme de bossa-nova, que Robert Allmendinger et moi avions déjà enregistrée pour l’ORTF (Office de la Radio et Télévision Française). J’avais en mémoire une version plus dépouillée et de ce fait rythmiquement moins claudicante.

 

Trouver des musiciens pour m’accompagner n’était pas chose évidente. Il était clair que Robert Allmendinger à la guitare et Martine Garner seraient de la partie. Gérard Gény qui entre-temps s’était mis à la guitare basse, qui touchait un peu du synthétiseur, était un renfort précieux et non moins naturel.

 

J’avais été approché quelques mois plus tôt par Dan Guinier, originaire de Montluçon, chercheur au CNRS et guitariste instinctif. Il ne comprenait pas l’alsacien, mais avait véritablement envie de jouer.

 

Je fis encore appel à Bernard Friess, directeur de l’Harmonie de Hoenheim qui jouait de la flûte traversière. Il m’avait lui-même présenté Edith Brunck, autre flûtiste, et René Wiegert pour assurer quelques roulements de caisse claire. Il y eut encore Henry Furnstein, trompettiste, voisin et pareillement membre de l’Harmonie de Hoenheim et enfin Dany Sohn que Gérard m’avait suggéré comme batteur. Je le connaissais pour l’avoir fréquenté 15 ans auparavant à l’Accordéon Club de Bischheim. Je balbutiais sur l’instrument quand il en jouait déjà en virtuose.

 

Je m’accompagnais généralement à la guitare, mais aussi à l’auto-harpe, instrument insolite qui apparaissait sur une pochette de disque dans les bras de Graeme Allwright et dont je n’étais pas peu fier de jouer en précurseur.

 

Je n’ai jamais cherché de titre à mes chansons que pour les impératifs liés au besoin d’en indiquer un sur les pochettes des disques. Chercher plus globalement un titre général au disque était une autre affaire encore. Raymond Piela qui s’occupait de la conception et de la réalisation de la pochette m’a suggéré « Schattelicht »… L’ombre et la lumière… Raymond n’avait pas que le sens de la formule, il avait une sensibilité proche de la mienne.

 

Le disque comportait sur sa face A les titres suivants : HERBSCHTLIED – GRABSCHRIFT FUER E LAND – SCHICKSAL – ZWISCHE BUNKER UN MEER dont le texte avait été écrit par Georges Bronnenkant – ERBSCHAFT.

Sur la face B se trouvaient : DE GLOCKETURM – ALTWIWERSOMMER – HOFFNUNGSQUELL – DE ALLDAJLICH WAJ – LUESBUEWESPRING.

 

L’accueil dans la presse régionale fait partie de ces choses qui vous donnent envie de creuser plus avant le sillon, en l’occurrence, celui du disque :

 

« Quelque chose de vraiment neuf, une fraîcheur tonifiante, un sens de la poésie et de la beauté des mots qu’on croyait perdus… »

 

France Bittendiebel dans les Dernières Nouvelles d’Alsace

 

« Il s’agit bien d’un disque d’ombres et de lumières, c’est à dire d’un disque en teintes discrètes, qu’il faut prendre le temps de fouiller, et que viennent habiller les jeux d’opposition qui parcourent les dix chansons. Des évocations noires où se tord quelque chose de la lâcheté des hommes et du mensonge social, et des trouées d’espérance et de tendresse… sa protestation, signée par une anarchie sauvage et tranquille, naît du plus profond du cœur de l’homme : quelque chose qui serre, puis qui cherche à se frayer un petit chemin de liberté. Loin des avenues tumultueuses où les hommes doctrinent, querelles et terrorisent. Sur les sentiers étroits de la poésie, où tendresse et lucidité tracent de passionnants espaces communautaires »

 

Antoine Wicker dans Le Nouvel Alsacien

 

 « Des textes intimistes, voilés de pudeur, exprimant une révolte mesurée… Alors ce que j’entends … me parle de ce que je vis, répercute mes espoirs sur un registre dont je ne me sens pas exclu… Ecoutez Roland Engel. Faites vous traduire. Son chant met en musique une terre dont nous sommes les fils et que nous arracherons de l’aridité du fric amassé par les banquiers avides. La preuve qu’ils ne nous ont pas arraché la langue, c’est que nous parlons. Tous. Et d’un projet commun : l’avenir de l’Alsace. »

 

J.-P. W. dans l’Humanité

 

En 1977, « Grabschrift fuer e Land » sera réenregistré en live et gravé sur un double album « Dreyeckland » compilation de chansons protestataires contre les centrales nucléaires de Kaiseraugst Wyhl et Fessenheim, produit par les « Badisch-Elsässischen Bürgerinititiven »  

 

 

KRITZWAJ (1980)

 

 

En 1977, Georges Bronnenkant me proposait d’enregistrer à nouveau un texte : « Mer singe unseri Gemeinschaft », pour la Lutherian World Federation qui tenait son assemblée à Dar-es-Salam en Tanzanie. La chanson sera publiée sur une cassette audio : « In Christ a new community ».

 

En 1979, je mettais pour la première fois un texte de Raymond Piela en musique « Vergissmeinnicht ». Il sera enregistré sur « L’Alsace chante l’amitié », un disque produit au profit de l’association Stéthoscope.

 

J’étais alors invité sur les plus grandes scènes régionales, au Maillon, au Palais des Congrès et à l’Opéra de Strasbourg, à la MJC de la Meinau, à la Galerie AMC à Mulhouse, au Château des Rohan à Saverne, mais aussi dans les foyers- clubs, les collèges et lycées, les églises, les prisons….

 

Je participais à toutes sortes de festivals, émissions radiophoniques et télévisées.

 

Mes textes entreront à présent dans les anthologies et les revues littéraires (Poètes et prosateurs d'Alsace, Poésie – Dichtung, Elsaessich Reda, Nachrichten aus dem Elsass, Ersatz d'Alsace, Almanach Evangélique luthérien, L'encrier, Revue Alsacienne de Littérature, Le Messager, Land un Sproch…), mais mon engagement se voulait aussi et surtout politique, écologique, social et religieux.

 

Je chantais à la Fête de l’Humanité, à la Fête des Droits de l’Homme, au Cercle Bernanos pour « Lutte Révolutionnaire du  Peuple Chilien », à la Fête de la Rose du Parti Socialiste, pour Radio Verte Fessenheim, pour Amnesty International, la CIMADE, au rassemblement anti-fasciste du Comité de solidarité avec les prisonniers politiques de Strasbourg, pour les associations de défense de quartier comme le Cardek, pour le Mouvement de la Paix, l’Association de Défense contre les Pollutions et Nuisances….

 

En 1980, la Ville de Schiltigheim organisait sur 3 jours (du 24 au 26/4) un événement majeur, le Festival « Schelige singt immer noch » auquel était conviés tous les chanteurs alsaciens.

 

Comment dans ce contexte, ne pas être saisi par l’envie, si ce n’est le besoin pressant, d’écrire. En 1980, j’accouchais donc d’un deuxième disque, produit et financé par EMA.

 

« Accoucher » est bien le mot. Les séances d’enregistrement se traîneront sur près d’un an. C’est que Dany Mahler avait investi dans du matériel plus sophistiqué. Les enregistrements se feront à son domicile à Bischheim, dans un studio à présent équipé d’un magnétophone 8 pistes ; mais voilà, EMA était entré dans une logique qui impliquait que ce matériel fût rentabilisé. Le studio se créait une clientèle et se devait fort logiquement de la satisfaire prioritairement dans les délais exigés.

 

Quand Kritzwaj sortira au mois de septembre, je serai déjà mentalement ailleurs.

 

Au fil du temps, j’avais fraternisé avec quelques musiciens et groupes de la place. Ce disque devait aussi être la synthèse des liens d’amitié ainsi tissés.

 

 Il y aura là toute l’équipe des Gaston Schmürtz Bluegrass Pickers : Chris Elsass au dobro, Jean-Paul Puccio au banjo, Jean-Paul Raffin à la guitare, François Risser à la contrebasse et Henry Schoch à la mandoline et au violon. Il y aura la Chorale St Luc de Souffelweyersheim sur un arrangement de Pierre Holbein, René Egles avec harmonica et psaltérion, Edith Brunck avec sa flûte traversière.

 

J’avais été approché il y a quelques temps par un guitariste : Rémy Drago. Je ne pouvais guère l’intégrer. Avec Dan Guinier et Robert Allmendinger, nous jouions déjà à 3 du même instrument. Nous avions cependant gardé le contact. Il jouait lui-même dans un groupe de musique traditionnelle sud-américaine dont faisait également partie Jean-Luc Henner (charango et bombo), le frère de Doris… un amour de jeunesse.

 

Si Robert n’aimait pas jouer en public, Dan s’était à contrario investi totalement. Robert en avait profité pour se désengager en douceur dès 1977.

 

Rémy et Jean-Luc viendront avec Yves Meyer (kena et moseňo), assurant l’arrangement et l’accompagnement de l’une des 14 chansons.

 

Martine Garner que j’avais entre-temps épousée, avait une amie qui s’était elle-même mariée dans le Sundgau avec un dénommé Geiss. Ce dernier jouait du saxophone. Nous pensions consolider un lien fragilisé par la distance en le faisant participer à cette création. Nous avons découvert à cette occasion, qu’il avait un frère cadet, Philippe, jouant non seulement du saxophone lui aussi, mais touchant accessoirement à la contrebasse.

 

En 12 mois, les choses auront eu le temps d’évoluer. Nos amis resteront dans le Sundgau, laissant à Philippe le soin de continuer seul l’aventure.

 

Philippe lui, se voulait saxophoniste. La contrebasse sera tenue par son ami Christophe Bereau dont le père était alors le directeur du Conservatoire de Strasbourg. Avec eux viendra encore, musicien de passage, Laurent Pradeau avec sa guitare électrique.

 

Martine Garner, Dan Guinier et Gérard Geny constitueront le noyau dur autour duquel tout cela s’est articulé. Alain Barrère s’occupera de la maquette et de l’illustration de la pochette.

 

Le disque comportait sur sa face A les titres suivants : KRITZWAJ – JAVA – JOHRESZIT sur un texte de Raymond Piela – DURCH’S LAND sur un texte de Jean-Paul Sorg extrait de La Mort du Rhin – JOAN – D’NEJ STROOSS – KAMERADE SOLDATE.

 

Sur la face B se trouvaient : MÄRELLAND – GASSER FRITZ –OVERDOSE sur une idée du cousin Georges – MASKEBAL – SÜENDEBEKENNTNIS – AFRIKA – SCHATTELIECHT, chanson portant le titre de mon premier disque, un peu en hommage à Raymond Piela, avec lequel les relations d’amitié s’approfondissaient.

 

C’est lui au demeurant, qui devait m’interroger : « si d’aventure l’Institut des Arts et Traditions te proposait pour le Bretzel d’Or de la chanson alsacienne, quelle serait ta position ? ».

 

Je lui ai répondu que je ne m’appelais pas Jean-Paul Sartre qui pouvait se payer le luxe de refuser le Prix Nobel et que je ne pêcherai sûrement pas par excès d’orgueil.

 

Le Bretzel d’Or me sera effectivement décerné en décembre 1980. J’ai beau me dire anarchiste, nous avons tous besoin de reconnaissance. 

 

 

MÜSIK (1982)

 

 

J’ai suivi quelques temps la trajectoire de Philippe Geiss. Il venait de créer Noco Music avec Emmanuel Séjourné.

 

En septembre 1981, ils avaient d’ailleurs commencé à enregistrer quelques-unes de leurs œuvres et leur musique me fascinait. Je le sentais bien, ces deux-là iront loin… très loin. Il fallait donc que j’aille vite… très vite, avant qu’ils n’explosent.

 

Ils étaient ouverts à tout. Je leur ai proposé non seulement de participer à l’enregistrement d’un troisième disque, mais encore à la création même des chansons.

 

Ils ne comprenaient pas le dialecte, mais chaque mot fut traduit, chaque intonation expliquée, chaque image analysée, chaque sentiment disséqué, avec une précision quasi chirurgicale… au scalpel. C’était passionnant.

 

En Février 1982, une fois prêts, nous avons pris tous les trois rendez-vous avec Dany Mahler. Lorsque nous sommes arrivés chez lui, Dany n’était pas là et là, je l’avoue, j’ai paniqué. La longue et difficile gestation de Kritzwäj, le sentiment de délivrance plus que de plaisir que j’avais éprouvé à sa sortie, la crainte d’une nouvelle frustration… tout cela devait se lire sur mon visage déconfit.

 

Philipe et Manu l’ont saisi instantanément, dans la fraction de seconde, j’avais décidé de tout laisser tomber. « Ne t’affole pas », m’a dit Philippe, « nous connaissons d’autres studios ». Dans l’après-midi même, ils m’emmenèrent chez Francis Adam, au Studio Oméga.

 

Il restait cependant une difficulté de taille à résoudre, je comptais sur EMA pour financer le disque. Francis Adam que je ne connaissais ni d’Adam, ni d’Eve d’ailleurs, s’est immédiatement proposé de le produire.

 

Philippe Geiss (saxophones, contrebasse, piano, percussions) et Emmanuel Séjourné (vibraphone, marimba, piano, percussions) feront encore appel à Jean-Louis Hennequin (flûte, percussions) et à Jean-Michel Collet (congas, percussions).

 

J’avais aussi besoin d’évacuer quelques chansons plus anciennes et je rappelais Robert Allmendinger (guitare) pour un ultime enregistrement.

 

Dan Guinier (guitare) sera bien entendu de la partie, mais il improvisait en permanence et ne savait pas nécessairement reproduire le lendemain, au même endroit, le trait de génie qu’il avait eu la veille. Je manquais moi-même de rigueur et surtout, il me fallait pour les concerts à venir, quelqu’un de structurant.

 

Depuis quelques temps, Rémy Drago (guitare) travaillait assez régulièrement avec nous. Rémy s’était en outre engagé à me trouver un violoniste. Le nom de ce dernier, Raymond Schacher en l’occurrence, sera malheureusement omis sur la pochette. J’en concevrai une gêne telle que je ne le reverrai plus pendant près de 10 ans. Arrivant à maturité, nos relations pourront alors se développer sur un terrain d’autant plus riche qu’il aura été longtemps en friche.

 

Martine Garner (chant) que j’avais d’abord pressentie pour la réalisation de la pochette, vivait cette affaire dans une totale et évidente proximité.

 

Je ferai finalement appel à Raymond Piela pour le recto de la pochette.

 

J’avais réussi à coincer un petit bout de la « Marseillaise » dans une chanson du premier disque dont la pochette était de couleur bleue. Un même bout de Marseillaise est repérable dans le second dont la pochette était de couleur blanche. Il n’y aura pas de marseillaise dans le troisième, mais la pochette sera évidemment de couleur rouge. Tout ça était certes un peu gamin, mais c’est le genre de message subliminal que j’adorais commettre.

 

Fifi et Manu voulaient s’occuper du verso de la pochette. J’étais alors farouchement iconoclaste et ne souhaitais nullement retrouver ma tronche là dessus. Francis Adam imposera à contrario qu’elle y fût, dans la mesure où Philippe et Emmanuel tenaient à y mettre la leur. C’est mon voisin, Gilbert Schmitt, qui livrera la photo.

 

Le disque comportait sur sa face A les titres suivants : MÜSIK – D’LIEB UN D’GERECHTIGKEIT – D’GROSSEL – JOHRESZITTE UMGEKEHRT – 24 STUND FUER E LIEB.

 

Sur la face B se trouvaient : ERWACHTUNG – DE DICHTER – S’HOECHSCHTE GEBOT – IM STERNUBÜS sur un texte de Henri Mertz – D’R HAMPELMANN.

 

 

L’accueil dans la presse fut à nouveau très encourageant :

 

 

« Sur des musiques fines et délicates, de bien jolies chansons, qui se réécoutent sans lassitude aucune… un type à découvrir, Roland Engel »

 

Rock Folk N° 188 de septembre 82

 

 

« Après Schatteliecht et Kritzwäj, deux albums axés avant tout sur les textes, place à la musique,… dès la première écoute, on la sent très présente. Non pas qu’elle enlève quelque chose aux textes… mais elle prend souvent le relais sur eux. Elle complète, illustre, souligne et par moments, exprime tout seul… quant aux textes, ils reflètent autant l’évolution du contexte que la maturité de Roland ».

 

S.M. dans l’Alsace

 

« … son troisième 33 tours inscrit… chants d’amour et coup de gueule, dans un même espace poétique – qu’on lui sait immense et puissant, grave et intense. Simple pourtant et ici très musical… »

 

Antoine Wicker dans Le Nouvel Alsacien

 

« Le souffle de sincérité qui traverse ce disque d’un bout à l’autre ne peut laisser insensible. Roland Engel reste un poète qui, avec une foi identique, manie les langages de la tendresse, de l’amour, de la révolte ou de l’espérance. Ouvert sur ces horizons multiples, Müsik est un disque généreux qui renferme de véritables cris passionnés.

 

Fr. B dans Les Dernières Nouvelles d’Alsace

 

 

REISE (1986)

 

 

Avant qu’ils n’explosent et ne deviennent les artistes de renommée internationale que l’on sait, nous avons encore donné avec Noco Music une belle série de concerts : - au Maillon - à la gare de l’Est - au Théâtre Jeune Public où je partageais quelques heures la loge de Jean Roger Caussimon, artiste particulièrement attachant - à la M.J.C. de la Canardière où Philipe Geiss rencontrera Clémentine Duguet qui, bien plus tard,  deviendra la mère de ses enfants - à l’édition 1983 de « Schelige singt immer noch ».

 

Dan devait partir fin 1983 pour un assez long séjour aux Etats Unis. Rémy Drago nous accompagnait assez régulièrement. En sus de l’accompagnement vocal, j’avais appris à Martine quelques contre-chants qu’elle jouait sur un petit orgue électrique de marque Farfisa. Il traînait dans mon grenier du temps où je faisais encore de la musique de bal. Par la suite, nous fûmes rejoints par Paul Marxer du groupe Los Hermanos. Il ne joua que quelques années avec nous, mais une amitié indéfectible naquit à cette occasion et elle dura jusqu’au jour de sa mort en septembre 2001.

 

Fin 1985, j’envisageais très sérieusement l’enregistrement d’un quatrième album.

 

De retour des Etats-Unis, Dan avait réintégré le groupe, Rémy se consacrant à ses études de guitare au conservatoire de Bâle.

 

J’avais depuis longtemps une soif de voir, de connaître, de me frotter à d’autres cultures, qui me faisaient, dès que j’avais quelques sous de côté, voyager aux quatre coins de la planète. Dans Kritzwäj déjà, les thèmes de Java – Afrika – Joan… puisaient à cette source. Mais « Reise » qui se voulait l’expression de ce nomadisme prendra une forme… inattendue. 

 

Il était entendu que le grand architecte de cette affaire serait Rémy Drago. Il travaillait avec l’école de musique de Dettwiller dont il mettra tout un groupe de jeunes à contribution. La mise en place nécessita un long travail de répétition, qui dura jusqu’à la rentrée 1986.

 

Je confiais parallèlement la mise en forme de quelques chansons à Pierre Isenmann des « Célestins » (formation de jazz new-orleans) que je connaissais de longue date, du temps des « mal rasés » où nous sévissions tous deux dans les U.C.J.G. (Unions Chrétiennes de Jeunes Gens). Tout cela se présentait assez bien.

 

Dans ces années-là je fréquentais aussi beaucoup François Brumbt avec lequel je m’étais lié d’amitié. Nous partagions, entre autres, avec Jean-Pierre Albrecht, la scène aux éditions 1985 et 1986 de « Schelige singt immer noch »… c’est de là que le coup devait venir.

 

Martine et moi avions eu 2 enfants : Salomé née en 1981 et Lukas né en 1983. Nous filions sur des rails dont je n’imaginais pas un seul instant qu’ils pourraient en croiser d’autres et se séparer (voir la pochette de « Reise »). C’est pourtant ce qui est arrivé.

 

A bien y réfléchir, quelques clignotants s’étaient sans doute allumés… mais il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Martine, à mon insu, s’était rendue disponible. L’ami qui vous veut du bien, dans la bande de François Brumbt, s’en était à l’évidence rendu compte ; il ne crachera pas sur l’aubaine.

 

L’enregistrement de « Reise » se fera au cours de la période la plus noire de mon existence. Affectivement, la rupture était consommée, mais Martine était encore présente physiquement ; je ne pouvais pas en faire le deuil. Je me serais fait pute pour ne pas la perdre, mais il était trop tard. Je me réfugiais quelques temps chez des amis allemands à Bodesweier, pour laisser, pensais-je naïvement, à Martine le temps de la réflexion.

 

Je rentrerai de ce séjour castré (pour la toute première fois, depuis plus de 20 ans, je m’étais volontairement rasé la barbe), mais riche d’une pochette de disque qu’avait conçu Jürgen Glaser, le fils de mes hôtes d’infortune.

 

La réalisation de ce disque connaîtra par ailleurs quelques sérieux et anecdotiques avatars. Mon ami Christian Kempf était alors pasteur à Hoerdt. Il m’avait déchargé de tout le travail de dactylographie. Francis Adam me fit remarquer que les textes écrits en rouge, auraient du mal à ressortir sur le fond noir et blanc de la pochette. Il me suggéra d’édulcorer le noir, afin que le rouge ressorte mieux. J’acquiesçais.

 

J’appris par la suite, mais la démonstration était déjà faite, que le rouge et le gris relevaient du même spectre chromatique. Le rouge sur le noir eût tranché ; le rouge sur le gris se confondaient. Au jour de la livraison, nous réalisions qu’au verso de la pochette, les titres des chansons et les noms des musiciens, étaient quasiment illisibles.

 

Le jour du mixage, nous rencontrions dès la première chanson une difficulté qui s’avéra insurmontable. La chanson commençait par un petit air sifflé et à notre grande surprise la levée de la partie sifflée était doublée comme d’un écho. Il nous fallut quelques heures pour réaliser que cet écho se trouvait sur la piste du piano.

 

La chose était en théorie impossible, mais une photo-souvenir prise en studio, révéla par la suite que cette piste avait conservé le début d’une première version par le truchement d’un casque accroché à vide sur la perche d’un des micros du piano.

 

Le Studio Oméga coproduira à nouveau le disque. Je lançais de mon côté une souscription dans les cercles intimes de ma famille et de mes amis proches. Une trentaine de personnes s'engageront à financer et à distribuer 10 disques chacun.

 

Francis m’avait prévenu, l’heure de studio a un coût. C’est un lieu d’enregistrement et non pas de répétition.

 

Il était convenu que le tout se ferait sur un week-end, du vendredi soir au dimanche soir. Ce n’était pas simple à gérer et le studio sera souvent encombré.

 

Il y avait là Jean-Pierre Albrecht (chant – synthétiseur et percussions), Rémy Drago (arrangements – guitare – chant – percussions) et tout le groupe ICARE de Dettwiller : Denis Feidt (basse électrique et trompette) – Christophe Hufschmitt (saxophone et clarinette) – Noé Hufschmitt (trombone) – Thierry Kern (trompette) – Marc Kieffer (batterie et percussions) – Jean-Luc Lamps (Piano et synthétiseur) – Pascale Siegrist (flûte traversière) – Jérome Thil (arrangements – piano et synthétiseur). Il y aura bien sûr Martine Garner (chant et percussions) - Dan Guinier (guitare – chant et percussions) ainsi que Paul Isenmann (contrebasse) – Pierre Isenmann (trompette) – Paul Marxer (flûte de pan – charengo – percussions et chant) – Raymond Schacher (violon) – Richard Siegrist (clarinette et piano). Mon accordéon reprendra du service. Je ferai encore des percussions, du balafon et m’accompagnerai à la guitare.

 

Le disque comportait sur sa face A les titres suivants : S’MUSAUERLIED (sur un texte de Robert Weiss) – A KLEINES STÜCKEL GARTE – PFLAPERROSE IN STEFELDE (sur un texte de Georges Bronnenkant) – RÄJE LIED – PROMINENZ (sur un texte de Henri Mertz) – HINTER DE FENSTER.

Sur la face B on trouvait : BOBO DIOULASSO – DE BRIEF – DE ZUG – DE DIEBELBRUEDER – ABSCHIEDSLIED.

 

 

Antoine Wicker, dans le supplément TV des Dernières Nouvelles d’Alsace du 10 au 16.1 1987, trouvera dans sa chronique sensible, des mots d’une particulière justesse : « … une première face du disque chante quelques voyages imaginaires, ceux que l’on vit chez soi, ceux que l’on rêve dans son jardin, ou en balade du côté de La Wantzenau. Ceux que l’on devine dans la pauvre tête malade de quelque Centre Hospitalier Spécialisé… L’autre face prend ses voyages à la lettre. Kuala Lumpur, Istambul, Hong-Kong…

 

L’aventure bourrée de sensations, pétrie d’émotions, inquiète bientôt : l’univers du voyage est peuplé de lettres et de trains qui un jour peuvent être aussi lettres d’un adieu, ou le train d’un départ pénible sur un quai épuisé par de secrètes déchirures… De vieilles amitiés, de vieilles histoires. Il y a là… Martine Garner : mais Roland chante tout seul, sans autre voix, sans musique, les derniers vers de sa toute dernière chanson. Celle de l’adieu… ».

 

 

La critique fut également chaleureuse dans la presse nationale spécialisée :

 

« Ce quatrième album de Roland Engel est splendide, vivant, équilibré, inventif et varié. Et pourtant je ne comprends pas un traître mot d’alsacien… La qualité des arrangements est irréprochable et tout cela est chanté avec une conviction et une chaleur qui forcent l’attention ; malgré la barrière de la langue… De tous ces voyages, Engel semble rapporter autant de richesses que de cicatrices, et l’ensemble participe d’un enseignement plus vaste qui est la découverte de son identité et l’apprentissage de sa propre culture. Mais de toute façon, une chanson qui engendre des créateurs de ce calibre, ne peut pas se porter aussi mal qu’on le dit. »

 

Marc Robine dans le N° 69 – avril 87 de Paroles et Musique

 

  

 

LIEDER FUER MIT DE ANGSCHT ZÜE LEWE (1987)

 

 

J’avais fait tant de rencontres, j’avais trouvé tant de bonheur à travers la chanson ! A présent, il me fallait déchanter. Martine était une partie de mon identité. Non seulement au niveau de l’état civil, mais aussi sur le plan artistique. Si j’occupais le devant de la scène, nous étions malgré tout perçus comme un duo. Ma façon de chanter, de composer même, s‘articulait souvent autour de ses possibles contre-chants.

 

Martine n’avait pas exclu la poursuite de cette collaboration, mais je n’étais pas maso. Il était inconcevable que je chante dans ces conditions des chansons qui, parfois, n’étaient rien moins que l’expression sans grande pudeur de notre intimité. J’envisageais le plus sérieusement du monde de tout arrêter. Jean-Sébastien Beck décida qu’il en irait autrement.

 

Nous nous sommes tout d’abord connus et estimés dans le cadre de nos activités prud'homales mais bien d’autres choses nous rapprochaient : ses origines protestantes, son engagement dans l’église, dans le syndicalisme, dans la culture… en effet, il composait et chantait lui-même en alsacien. Cette dernière activité ne constituait pas une priorité pour lui, il décida que désormais il m’accompagnerait et me remit ainsi en selle.

 

Fin 1986, la vie me lançait un autre clin d’œil et m’offrait une seconde chance. Je retrouvais Nicole Mathis.

 

Nous fréquentions quelques 10 ans plutôt le même cercle d’amis et nos trajectoires amoureuses et matrimoniales se révélaient étrangement semblables. Elle avait fait Arts Plastiques et j’identifiais instantanément dans les croquis qu’elle me montrait, celui qui ferait la pochette de mon prochain disque.

 

Pendant ma période noire, j’avais en effet beaucoup écrit et composé. L’écriture se révéla comme une puissante et très efficace thérapie. Tout ce que je ruminais, je le régurgitais, je l’exprimais, je l’évacuais.

 

Si, comme le disait Musset, les chants les plus beaux sont les chants les plus désespérés, je n’avais pas vocation, ni de raison au demeurant, de rester dans le registre du désespoir. Il me fallait en sortir au plus vite et le meilleur moyen était encore de graver tout ça.

      

Malheureusement, je n’étais pas très en fonds. Sortant de la procédure de divorce, il m’avait fallu emprunter pour conserver la propriété de mon domicile… j’avais encore une grande quantité de « Reise » en stock.

Je venais par ailleurs de mettre mes amis à contribution… je pouvais toujours essayer de remettre le couvert ! Quant à Francis Adam, il était commerçant et pas mécène. Il avait coproduit mes 2 derniers disques, mais il s’avéra qu’il était totalement inefficace dans le domaine de la distribution. Les disques qu’il prenait à son compte, lui restaient en grande partie sur les bras.

 

C’est là qu’interviendra Robert Weiss, un ami que je n’ai évoqué pour l’instant qu’au détour d’une chanson : « S’Müsauerlied », dont il est l’auteur. Notre rencontre avait été le fruit d’un de ces drôles de hasards qui font parfois bien les choses.

 

Chanter n’est pas toujours un plaisir ; c’est aussi un travail, parfois même une corvée liée à quelques malentendus, tous les artistes vous le diront.

 

Parmi les rares expériences que je n’avais pas faites, il en est une que l’on dit galère et que je voulais vivre, ne serait-ce qu’une seule fois : la manche. 

 

Je m’en étais ouvert à Rémy Drago qui était un habitué de la chose. Nous étions convenus (c’était en 1985) qu’il organiserait une tournée à Strasbourg, le temps d’un seul et unique week-end. C’est à cette occasion, dans la Pizzeria des Théâtres, que je serai interpellé par un client. Il se proposait de me faire rencontrer quelqu’un qui avait écrit plus d’une centaine de chansons en alsacien, mais qui pour des raisons professionnelles, ne pouvait pas les interpréter. Ce quelqu'un, c’était Robert Weiss.

 

Il exerçait ses activités dans le milieu bancaire et immobilier, il était proche ami du ministre RPR André Bord, plutôt de droite…, sociologiquement, nous n’étions pas appelés à nous rencontrer. Toutes les barrières que l’on brise sont autant de victoires sur l’obscurantisme et l’intolérance. L’homme était plus que digne d’intérêt, il était attachant et paradoxalement, ses convictions ne heurtaient pas les miennes. Il y avait dans ses textes beaucoup de cette gouaille propre aux faubourgs de Strasbourg (Neudorf). Ce n’était pas exactement mon style, mais il y avait là des idées, des images fortes. Il suffisait de mettre un peu en forme, de lisser quelques expressions, pour que je puisse m’emparer de l’une ou l’autre chose.

 

Compte tenu de sa connaissance du milieu économique, je le consultais sur les formes dans lesquelles il conviendrait de saisir les grandes entreprises pour avoir quelque espoir, non pas d’obtenir une subvention, mais de les intéresser à un projet de coproduction. Robert me demanda de lui laisser un temps de réflexion. 1987, à Pâques, il me glissait un petit mot dans la boîte aux lettres : « le lapin de Pâques est passé, ton disque sera coproduit par la Direction Régionale Alsace du Groupe Sagittaire et par I.B.R. (Immobilière du Bassin Rhénan) dont je suis le PDG ».

 

Après le grand orchestre, je me souciais de resserrer l’instrumentation pour obtenir une ambiance plus feutrée, en harmonie avec les thèmes très intimistes globalement exposés. Il n’y aura que 7 musiciens : Jean-Pierre Albrecht (piano et synthétiseur), Jean-Sebastien Beck (synthétiseur, guitare et flûte à bec), Dan Guinier (guitare), Christophe Imholz (guitare basse), Pierre Isenmann (trompette), Paul Merian qui jouait avec Pierre dans les « Célestins » (clarinette et saxophone) et Henri Schoch des Gaston Schmürtz Bluegrass Pickers (violon). Je m’accompagnais comme habituellement à la guitare, mais laissais aussi s’exprimer plus généreusement l’accordéon.

 

Le disque comportait sur sa face A les titres suivants : SORJESTRÜSS – LIED VON DE VERLORE ZÄRTLICHKEIT – PASS UF – D’KERZ – FOEHNSTIMMUNG (sur un texte de Henri Mertz) – LIED FÜR MIT DE ANGSCHT ZUE LEWE.

 

Sur la face B on trouvait : SCHICKSAL II (sur un texte de Robert Weiss) – MARIE - S’BISCHEMERLIED (sur un texte de Michel Guerrier) – S’UNVOLLENDETE – WENDEPUNKT – ES GIBT E LEWE NOOCH’M TOD.

 

Raymond Piéla s’était occupé de la conception et de l’illustration de la pochette intérieure.

 

En 1988, grâce à Gilbert Seyller, un collègue de travail, imprimeur, je publierai quelques textes et chansons dans un petit recueil bilingue : « LE POETE COHERENT » que Nicole Mathis illustrera de manière fort originale.

 

 

WUNDE (1989)

 

 

Si les ruptures dans les couples ont pour effet de casser quelques amitiés, elles en suscitent incidemment de nouvelles et en radicalisent quelques autres. Tel sera en l’occurrence le cas avec Jean-Pierre Albrecht, lui aussi auteur – compositeur – interprète.  Notre collaboration dans ces années ira s’intensifiant, notre amitié s’approfondissant.

 

Concerts en Alsace, mais aussi à Paris, en Allemagne, à Bobo Dioulasso…, j’avais encore créé « Chansons en fourrière » une émission radiophonique que je présentais sur Radio Fréquence Alsace… ; en 1989, Jean Sébastien Beck m’annonçait qu’en raison de choix professionnels, il déménageait à La Broque. Ce n’était pas à des années lumières, mais ce n’était pas tout à fait la porte à côté. Quelques temps plus tard, il s’installera plus durablement en Seine et Marne. J’avais écrit quelques chansons nouvelles et j’avais vis-à-vis de lui ce que je considérais non seulement comme un devoir de reconnaissance, mais comme une dette culturelle. Il avait négligé son propre potentiel de créativité pour que puisse survivre et s’exprimer le mien.

 

Robert Weiss accepta de coproduire un nouveau disque via sa société I.B.R. Je n’enregistrerai que 8 titres, offrant à Jean Sébastien l’occasion de laisser une trace plus personnelle en en gravant 4 autres. C’est Robert Weiss qui, au demeurant, devait choisir le titre du disque : « Wunde » disait-il, car les morts n’ont pas de plaies. Ils sont morts. Point, c’est tout. Les plaies laissent des cicatrices, mais ce sont les traces de la vie. Robert avait assisté à ma guérison. La pochette, un paysage enneigé ouvert comme une cicatrice par un ruisseau d’eau claire, sera dessinée par le cousin Georges qui s’était découvert une vocation d’aquarelliste.

 

Ce 33 tours sera le dernier. Sa réalisation aura été précédée d’une courte hésitation. Le CD pointait déjà le bout d’un nez concurrentiel, mais financièrement inabordable. Nous répartirons la production entre vinyles et cassettes audio.

 

Un incident aux conséquences imprévisibles surviendra lors de l’enregistrement dans le studio de Francis Adam. Il était entendu que Pierre Isenmann (trompette) et Robert Mérian (clarinette et saxophone) y participeraient à nouveau. Nous n’étions convenus d’aucun horaire précis, ils interviendraient à leur convenance au courant du week-end. Le dimanche, en fin de matinée, nous étions toujours sans nouvelles de Robert Mérian. Nous lui avions réservé quelques espaces essentiels, notamment dans « De Klassecombel », chanson écrite en mémoire d’André Lebeau, l’ami d’enfance, lui-même clarinettiste et saxophoniste, mort avant ses 40 ans.

Robert habitait à Colmar. Lorsque j’arrivais enfin à le joindre, il sortait de sa douche et s’apprêtait à prendre le train pour se rendre à Metz où il donnait un concert. Quelque chose avait coincé en termes de communication.

 

Nous étions en septembre, tout était planifié. Le disque devait sortir pour Noël. Nos calendriers étaient chargés, l’enregistrement ne pouvait être différé. A défaut de mieux, je m’étais résolu à faire un rafistolage de fortune avec les moyens du bord : à l’accordéon. Pierre Isemann me suggérait cependant une autre solution. Il connaissait un musicien, Pierre Zeidler, qui, pour peu qu’il fût disponible, saurait improviser.

 

Il se produisit cet après-midi quelque chose qui procède du phénomène du coup de foudre. Ledit Pierre Zeidler se montrait impérial. Il improvisait où et comme il fallait et fut mis plus largement encore à contribution. Le soir, après dîner, il ne nous restait plus que quelques chœurs à faire ; se piquant au jeu, il retournera en studio et les fit avec nous. Pierre Zeidler deviendra très rapidement un ami et un compagnon incontournable.

 

Ont également participé à ces enregistrements : Jean-Pierre Albrecht (synthétiseur), Jean-Sébastien Beck (chant, synthétiseur et guitare), Estelle Beck, la fille de Jean-Sébastien (flûte traversière), Rémy Drago (guitare et guitare basse), Luc Isenmann, le fils de Pierre (batterie), Pascale Siegrist (flûte traversière), Richard Siegrist (clarinette). En plus de la guitare et de l’accordéon, j’avais à nouveau utilisé mon auto-harpe.

 

Le disque comportait sur la face A les titres suivants : A BUMMEL DURICH D’STADT – S’PFÄDEL – IM BABE SIN LETSCHTE GEDANKE - DE KLASSECOMBEL. Jean-Sébastien finira cette plage avec 2 titres : SCHACHSPEELE et ICH VERZÄHL D’R.

 

La face B commençait avec les 2 autres titres de Jean-Sébastien : DE MÜSIKANT et SO SCHOEN ISCH MIN LAND. Suivront : D’SEEL IN DE MARIN – D’KLEIN KIRICH VON HARLEM – LIEWESBRIEFLE FÜER NIEMOLS… IMMER (sur un texte et avec la voix de Robert Weiss) – D’LETSCHTE SONNESTRAHLE (sur un texte des Frères Mathis, d’Adolf en l’occurrence).

 

Le Nouvel Alsacien s’étant fait hara-kiri et la presse nationale ne s’intéressant plus guère aux productions régionales, mes publications seront essentiellement chroniquées, à partir de là, par Marie Brassart Goerg, journaliste aux Dernières Nouvelles d’Alsace. Au fil de nos rencontres, nos relations déborderont très largement le simple cadre de nos activités professionnelles et culturelles.

 

Sur le CD actuellement disponible les chansons de Jean-Sébastien Beck ont été remplacées par des documents d’archives, entre autres par les enregistrements réalisés mais non publiées en 1976, par des chansons exclusivement publiées sur des anthologies sonores et même par une chanson enregistrée pour France Culture et repiquée de la radio le jour de sa diffusion. Toutes ses chansons sont au demeurant évoquées dans la présente biographie.

 

 

UF D’R ANDER SIT VOM MOND (1990)

 

 

En 1990, je concrétisais enfin un vieux projet.

 

J’avais déjà par le passé mis 2 poèmes de Raymond Piela en musique. J’avais par ailleurs participé en 1985 à l’enregistrement d’une cassette de Légendes d’Alsace « De Schuelmeischter uf’m Baschberri » et « Da Fliejer vu Kayserschbarri » écrites par ses soins. Raymond était certes dessinateur, caricaturiste, peintre, mais il maniait aussi occasionnellement la plume avec un identique bonheur.  

 

J’étais à la poésie ce que le bûcheron est au bois. Raymond, lui, était le menuisier. 100 fois sur le métier, il remettait son ouvrage, alors que j’écrivais comme on accouche, dans l’urgence du besoin.

 

J’admirais son travail d’orfèvre. Ses vers chantaient spontanément dans ma tête. Au fil des mois, il m’expédiait 9 textes nouveaux que je n’eus aucune peine à mettre en musique tant ils m’étaient proches. Il n’en est qu’un où notre approche divergeait. Je réécrirai à sa demande et à sa satisfaction la mélodie de « Lieb Liecht un Friede », mais en public, je l’interprèterai toujours selon ma première version.

 

Raymond était resté très proche d’E.M.A. Il me suggéra donc d’enregistrer chez Dany Mahler.

 

Je n’avais de mon côté aucune raison de quitter Francis Adam. Il s’était toujours, quand bien même modestement, financièrement impliqué. Mais Raymond coproduisait pour moitié la cassette que nous allions réaliser. Nous décidâmes donc le plus honnêtement de monde, non pas de mettre les 2 studios en concurrence, mais de leur demander un devis et de nous adresser sans plus en discuter au mieux-disant. Dany Mahler devait l’emporter dans un mouchoir de poche.

 

Jean-Pierre Albrecht qui m’accompagnait à présent très régulièrement, sera au synthétiseur. A la guitare, on retrouvera Dan Guinier et Rémy Drago. Jean-Sébastien Beck, pareillement à la guitare, enregistrera une dernière fois avec nous. Je ferai à nouveau appel à Pascale Siegrist (flûte traversière) et à Richard Siegrist (clarinette), à Pierre Isenmann (trompette), à Philippe Geiss (synthétiseur, saxophones : soprano, ténor, baryton et basse), et à Pierre Zeidler (clarinette, saxophone soprano, flûte ceylanaise).

  

J’ai pendant des années, joué pièces de théâtre et sketches en alsacien aux fêtes de Noël des Hospices Civils de Strasbourg. Je croisais là très régulièrement les frères Seckler, Bruno (violoncelle) et Christian (flûte traversière). Je les sollicitais avec succès.

 

Rémy de son côté, s’était assuré le concours de Raphaële Murer (violoncelle), de Mirjam Sahli (violon) qu’il avait connues au conservatoire, en Suisse et de Marc Strauss (piano) du groupe Los Hermanos. Carmen Strauss, sœur de Marc, issue du milieu folk, que Nicole et moi connaissions par d’autres biais, participera avec sa harpe celtique. Accordéon et auto-harpe resteront mon affaire.

 

Il y avait sur la face A : ISEBAHN BLUES – JOHRESZITTE – MITTERNACHT – E ALTI GSCHICHT – LIEB, LIECHT UN FRIEDE - VERGISSMEINNICHT.

 

Sur la face B se trouvaient : UF D’R ANDER SIT VOM MOND – AM BACH ENTLANG – AFRIKAMERAD – WEIZEFEL MIT KRABBE – ZIT ZE GEHN.

 

Je serai contacté ultérieurement par un chanteur hollandais qui souhaitait adapter « Uf d’r ander Sit vom mond ».

 

Peter Schrass, chanteur dialectophone allemand avec qui j’avais fraternisé en mai 1989 et qui m’invitera par la suite assez régulièrement dans le Palatinat, adaptera « Zit ze gehn ». C’est avec cette chanson interprétée à 2 voix que nous finirons habituellement nos concerts.

  

 

WINNACHTE BIE UNS (de 1992 à 1999)

 

 

J’avais à présent un fond de chansons assez confortable et je travaillais volontiers par thème. C’est ainsi qu’avec Clémentine Duguet, Jean-Pierre Albrecht et Pierre Zeidler, je créais « Autour de minuit », spectacle multilingue mis en scène par Raymond Piela et présenté du 4 au 16 février 1991, au Théâtre de la Choucrouterie, en pleine guerre du Golfe, hélas.

 

« D’liederlich Gschicht vom trüriche Camille », avec Jean-Pierre et Pierre, à force de tergiverser sur les moyens à mettre en œuvre pour promouvoir le spectacle, connaîtra une carrière éphémère. 

 

Je travaillais encore en milieu scolaire pour monter avec les enfants un spectacle sur Jean de La Fontaine.

 

Je développais parallèlement avec Dan Guinier et Christophe Imholz, un spectacle de contes et légendes d’Alsace en langue française, qui deviendra « Par l’eau, l’air, la terre et le feu »… mais il me faut à présent revenir quelques années en arrière pour raconter un événement qui, à nouveau, allait significativement changer le cours des choses.

 

Je chantais relativement peu en Allemagne. Le 17.12.1988, on m’avait convié à partager la scène avec René Egles pour une « Allemannische Weihnacht » à Lichtenau-Ulm. René avait dans sa musette un répertoire de qualité, tout à fait approprié. Il eut été ridicule de chercher à le singer en commettant quelques chansons de Noël écrites à la hâte. Je décidais de privilégier un autre registre, celui de l’acteur, et de raconter une histoire. La prestation fut plébiscitée tant par le public que par la presse.

 

Un troisième chanteur avec lequel j’allais sympathiser, avait participé à cette manifestation : Martin Schütt.

 

Le chanteur en cause n’allait pas tarder à se révéler doublé d’un organisateur redoutable. Il avait déjà dans l’idée de proposer des soirées transfrontalières de chansons et de contes dans le cadre des vieux châteaux féodaux. La première eut lieu le 20.6.1989 à Oberkirch, dans les ruines de la Schauenburg. En 1993, la manifestation sera doublée d’un Badisch-elsässischen Liedermacher und Erzählertreffen auf der Yburg. Ce dernier concept sera régulièrement reconduit jusqu’en 1997.

 

Tous les automnes, Martin organisera aussi des concerts chez lui et j’y participerai sans interruption jusqu’en l’an 2000.

 

Pour Noël 1989, il m’avait invité à « Winnachte bie uns » qu’il organisait dans la grande salle omnisports de Rheinau-Freistett. Cette manifestation sera reconduite en 1990 et 1991, mais pour cette dernière année je proposerai de mon côté un « Elsässischi Wihnachte » avec Dan Guinier et Jean-Pierre Albrecht. 

 

Le succès que connut cette formule m’incita à la développer. La télé allemande m’invitant par ailleurs à chaque Noël, mon répertoire dans le genre allait s’étoffant.

 

Martin se montrait intéressé. Pour 1992, nous déciderons de l’intégrer en organisant une tournée commune. De 10, nous passerons alors à 18 concerts, essentiellement en Alsace. La finale aura toutefois lieu en Allemagne, dans la cathédrale de Schwarzach, devant quelques 500 spectateurs.

 

Pour que subsiste une trace de cette aventure, nous avions décidé d’enregistrer une cassette chez Francis Adam. Jean-Pierre (chant, cithare hongroise) avait préenregistré les arrangements de la plupart des chansons. Il interprètera 2 titres et pilotera les synthétiseurs avec son ordinateur.

 

Martin Schütt (chant) en enregistrera 4, et moi (chant, guitare et accordéon),6.

 

Dan Guinier nous accompagnera à la guitare et Pierre Zeidler passera également au studio avec sa clarinette. C’est Despina, la femme de Martin, qui réalisera la pochette.

 

Sur la face 1 il y avait : D’WYNACHTSGLOCKE (J.P.A) – TANNEBAUM’S WUNSCHTRAUM (M.S.) – WIE GRIEN SIN DINI BLÄTTER (R.E.) – TOM (M.S.) – DE BABE UN S’KIND (R.E.) – AVE MARIA (R.E.)

 

Sur la face 2 on trouvait : DE WÄJ (R.E) – DIE NACHT VOT HEILICHOWE (M.S.) – S’KIND VON BETHLEHEIM (R.E.) – E MENSCHEMASS KUMMT VU WITTEM HER (J.P.A.) – BETHLEHEM (M.S.) – AMEN (R.E.)

 

En 1993, Dan se cassait la main en sautant d’un bus en Thaïlande. Son rétablissement sera long et je pensais qu’il ne serait sans doute jamais total. Pierre Zeidler nous sera dès lors d’un renfort précieux et participera à nos tournées.

 

Une seconde cassette « Winnachte bie uns – neiji Lieder » sera enregistrée par ce quartet en 1995. Despina en dessinera à nouveau la pochette. A l’exception de Dan, on y retrouvera la même formation musicale. Jean-Pierre rajoutera de la vielle à roue, Pierre du saxophone et moi de l’harmonica et de l’auto-harpe.

 

Sur la face 1 se succèderont : WYHNACHTE, WYHNACHTE (J.P.A.) – VOR WYHNACHTE (R.E. sur un texte de Raymond Buchert) – MORGEN KINDER (M.S.) – WINNACHTSZITT (M.S.) – HIRTELIED (J.P.A.) – AN DE KRIPP (R.E.)

 

Sur la face 2 il y avait : DREI KÖENI (J.P.A.) – HEY DU LIEBES CHRISTUSKIND (M.S.) – DE WÄJ ISCH SO LANG (J.P.A.) – KYRIE ELEISON (R.E.) – MIR DANKE DIÄR (M.S.) – WO KÄMMTSCH UF D’WELT ? (R.E.)

 

Francis Adam, de son côté, se disait intéressé par la distribution d’un CD. Nous l’autoriserons à en produire un avec nos chansons, sous réserve qu’il prenne en charge l’intégralité des frais y afférant.

 

Je demandais à Simone Haas de nous dessiner la pochette. Elle était l’épouse de Guy Ulm, un vieil ami et collègue de travail. J’appréciais depuis longtemps ses magnifiques peintures sur soie. Il était convenu que Francis nous cèderait, pour peu que nous le souhaiterions, ses CD à un prix attractif. Dans les faits, nous vendrons surtout le produit de Francis et nos cassettes nous resteront moitié sur les bras.

 

Mais tout cela ronronnait un peu trop bien. Nous avions acquis un savoir-faire. Tout était trop évident.  Nous ne prenions plus guère de risques, si ce n’est au niveau des scènes où, dans sa folie, Martin à l’occasion nous entraînait.

 

Nous avons dû nous rabattre sur l’hôtellerie du lieu et renoncer au concert open air prévu au sommet de l’Yburg où le vent soufflait en tornade – nous irons chanter devant un public nombreux et complice sous la pluie et dans la boue d’une cour de ferme, accompagnés par le gloussement des dindons et le caquètement des oies… ces aventures où le rocambolesque le disputait au génial, resteront à jamais gravées dans nos mémoires.

 

En 1996, Martin, me poussait à participer en sus à l’enregistrement d’une production de Noël d’un genre assez commercial. Il y en avait pour 2 jours de travail. On m’offrira très généreusement un CD « Alemannisches Weihnachts- und Neujahrssingen »  et Martin me prêtera la cassette vidéo réalisée.

 

En 1996 ? Je prévenais tout le monde : « l’année prochaine, je fais un break !»

 

J’avais écrit il y quelques ans auparavant un conte de Noël pour le Théâtre Alsacien de Strasbourg qui n’en a pas voulu. Je m’étais juré de ne pas laisser le livret pourrir dans une armoire et de monter au besoin la pièce par mes propres moyens. J’en étais tout à fait incapable.

 

Les décors, les acteurs, les figurants, la musique, les chants, les ballets, les décors… ce que j’avais imaginé supposait une troupe, une scène et des moyens dont ne disposait aucune autre troupe de la place. Je décidais finalement de réduire le tout en forme de monologue et d’interpréter moi-même, qu’à cela ne tienne, tous les personnages de la pièce. Pour ce « Oh Herr Jesses ! », je m’offrais avec Carmen Strauss, Mathé Verry et leurs instruments traditionnels, un accompagnement d’un genre inédit.

 

Après cet intermède, nous nous retrouverons avec plaisir et l’idée d’une formule nouvelle : écrire une histoire à trois voix ; « D’Reiss von de 3 Keni » ; le voyage des rois mages.  Martin se chargeait d’introduire le récit, Jean-Pierre de leur composer un itinéraire qui nécessairement les fera passer par l’Alsace et moi je raconterai leur arrivée en terre de Judée et la nativité. Pour l’occasion, nous enregistrerons un CD dont Nicole Mathis dessinera la pochette, avec 12 chansons nouvelles :

 

WYHNACHTSMELODIE (J.P.A) – ES KOMMT E NEJI ZITT (R.E.) – EPIPHANIAS (M.S.) – E NACHT WIE VIELI AND’RE (R.E.) – D’GROSSEL ISCH KUMME (M.S.) – HANS TRAPP (J.P.A.) – D’REISS VOM HANS TRAPP (R.E.) – Ä STERNESCHWEIF (M.S.) – MIR HENN UNS GETROFFE (J.P.A.) – DIE HEILICHE DREI KENNI (M.S.) – ‘SLIED VUN DE DREI KENNI (R.E.) – DRUCK D’AWE ZÜ (J.P.A.).

 

Le public nous attendait au tournant ; la formule plut, le comeback était réussi. Nous récidiverons avec autant de succès en 1999 avec « S’Zollhiesel » qui signera la fin de ces 10 ans de « Winnachte bie uns ».

 

 

ROL’AND SWING (1995)

 

 

En 1993, Gilbert Seyller m’aidera à publier un nouveau livre « UNE CINQUIEME SAISON » dont Nicole dessinera la couverture. J’éditais sur 2 cassettes : « Um Lieb un Leid » et « Lieder um d’Freiheit », un florilège thématique de chansons extraites des 4 disques vinyle enregistrés au Studio Oméga.

 

Depuis 1983, j’invitais une fois par mois des artistes au presbytère de Hoerdt. Ces soirées s’achevaient systématiquement à ma table et le bon vin aidant, nous refaisions le monde.

 

Avec Pierre Zeidler et son groupe de jazz « Swing To Swing », nous irons au-delà, nous ferons des projets. Celui très précisément d’enregistrer des standards de jazz sur des textes alsaciens. Je me mis immédiatement au travail.

 

Né dans les vapeurs volatiles de l’alcool, ledit projet prendra rapidement une forme concrète, mais la réalisation d’un CD n’était financièrement pas concevable. Je songeais plus modestement à produire une cassette pour 1995.

 

J’en étais là lorsque je fus contacté par un dénommé Jean-Marie Lorber qui m’expliquait qu’il venait de perdre son emploi et qu’il souhaitait réinvestir une partie de la prime de licenciement correctement négociée, dans l’édition d’un CD en alsacien. Il considérait, à juste titre d’ailleurs, que la demande en cassettes irait décroissante et qu’il fallait changer de braquet. 

 

Jean-Marie Lorber se révéla non seulement mécène, mais aussi un commercial efficace, un organisateur entreprenant.

 

Nous créerons à son initiative une structure de type associatif : « D’r Liederbrunne » qui verra le jour en mars 1995. Son objectif sera de coproduire, de participer à la distribution et à la promotion des œuvres d’auteurs interprètes de langue alsacienne, dans le cadre d’une collection de CD portant le label « Üss’m Liederbrunne » dont Nicole dessinera d’ailleurs le logo.

 

D’r Liederbrunne financera ce premier CD à hauteur de 60 % et en proposera dans la foulée, étrange réminiscence, un autre de Sylvie Reff financé à hauteur de 8O%.

 

Raymond Piela réalisera la pochette et Nicole la photo du verso. « Swing To Swing » était composé de Pierre Firer (guitare-basse et contrebasse), Martial Muller (batterie) Eric Soum (guitare) et Pierre Zeidler (clarinette et saxophones).  Ma contribution musicale se limitera à un petit air d’harmonica.

 

 

Les 12 titres enregistrés sont : UM ZEHN ÜHR VOR’M NACHTLOKAL (sur la mélodie de « My heart belongs to daddy » de Cole Porter) – GUEDE MORJE SORJE (sur « True love » pareillement de Cole Porter) – AM ERSCHTE FERIEDAA (sur « Sam’s song – The happy tune » de Lew Quadling) – LOSS MINI HAND SPAZIERE GEHN – SONNDAMORJE (sur « Lulu’s back in town » de Harry Warren) – D’MAMAMA – SCHLOFLIED FÜER DE STUMBENIKEL (sur « Little man you’ve had a busy day » de Mabel Wayne) – WEISCH DÜ NOCH, ZELLDÜRS ? (sur « Les feuilles mortes de Joseph Kosma  - Michel Petit, qui figure dans le livre Guinness des records 1995, nous informera que notre interprétation fait partie des 394 versions qu’il a pu recenser) – SAMSCHDAAOWE BAL – E FRAU, E BRUCK, E SCHLIESE… (sur « Lonesome town » de Backer Knight) – FLÜECHTLING – NEGERGSANG (sur « Where you there ? » négro spiritual traditionnel).

 

Des concerts s’en suivront… en Allemagne, en Alsace (au Cheval Blanc à Schiltigheim)… jusqu’en 1997 où le spectacle sera accueilli au Festival « Summerlied » que Jacques Schleef créait cette année-là à Ohlungen.

 

En 1995, Radio 67, à l’occasion de son 10ème anniversaire, diffusera sans que je n’en sois d’ailleurs informé, une cassette inclusive d’un enregistrement public de : Sonndamorje - Uf d’r ander Sit vom Mond et de S’Gretel, chanson érotico-drôlatique, dont je n’avais jamais envisagé la publication.

 

 

MINI SYMPHONIE (1998)

 

En 1996, toujours avec l’aide de Gilbert Seyller, je publiais un nouveau livre : « Le Jardin d’Ariane ». Nicole avait réalisé le photomontage de la couverture. D’r Liederbrunne sortira un troisième CD : « Lieder fer’s Herz », une anthologie de la chanson d’amour réunissant 17 interprètes. On y retrouvera « 24 STUND FER E LIEB ».

 

En Juin 1997, lors de ce qui sera le septième et dernier « Badisch-elsässischen Liedermacher – und Erzählertreffen auf der Yburg. », Martin me parlera de changements envisagés, il souhaitait qu’il y eût de la musique classique, il travaillait au demeurant lui-même sur des adaptations de Lieder de Franz Schubert en langue régionale. L’idée avait de quoi me séduire. Voilà un genre auquel je ne m’étais jamais attaqué. Puis Jacques Schleef m’a parlé d’une seconde édition du « Summerlied » pour 1998…, j ‘avais mille bonnes raisons de me mettre au travail et de produire du neuf. Je me sentais redevable par ailleurs d’une dette d’honneur envers la nièce de Raymond Buchert, Madame Aegerter, qui m’avait donné accès à l’œuvre de ce poète dont j’avais enregistré un texte sur « Winnachte bie uns - neiji Lieder ».

 

Diverses coquilles liées vraisemblablement à la sortie concomitante de 2 produits pour partie identiques, étaient à déplorer. Francis Adam, dans la hâte de livrer ces produits saisonniers à temps, s’était quelque peu emmêlé les crayons. La pochette de la cassette dessinée par Despina Schütt avait été attribuée à Simone Haas qui avait réalisé celle du CD. Dan Guinier et sa guitare avaient fait l’objet d’un même type de transfert ; mais plus gênant encore, le nom de Raymond Buchert en qualité d’auteur avait tout bonnement disparu. Je m’étais promis de lui accorder un jour une place prééminente. Je tenais là l’occasion.

 

Rémy Drago se chargera avec enthousiasme des arrangements.  Dès la fin du mois de septembre, l’affaire était bouclée, je lui livrais mes partitions. En janvier 1998, passée la tournée de Noël, nous retrouverons le studio de Francis Adam.

 

Rémy s’était entouré de quelques nouveaux musiciens : Thierry Walter (piano), Christine Formhals (violoncelle) et la fille de Christine, Julie Gacser (flûte traversière). Pierre Zeidler (clarinette), bien que cela ne fût pas sa tasse de thé, s’astreindra à jouer une musique qui n’offrait que peu d’espace à cet improvisateur de génie. Raymond Schacher (percussions et violon) fera un travail extraordinaire pour acquérir la maîtrise d’un instrument difficile dont il jouait en autodidacte. Aurélie Edenhoffer (alto) renforcera la section des cordes. Carmen Strauss (harpe) accompagnera une chanson.

Le groupe Alta Musica : Marc Meissner (trompette) – Stéphane Dieu (trompette) – Michel Jung (trombone) et Gilbert Jung (trombone) en accompagnera 2 autres. Rémy Drago tiendra évidemment la guitare. J’accompagnerai moi-même une chanson à l’accordéon, une autre au psaltérion.

 

Nous achopperons quelque peu sur la conception de la pochette. Je l’imaginais très « classique », dans l’esprit du genre musical, mais Rémy balayait toutes mes propositions d’un revers de la main. Il voulait sortir des clichés et cherchait en direction d’un graphisme moderne. Nos approches étaient incompatibles. De guerre lasse, j’abdiquais, lui conférant par dévolution tous pouvoirs et toutes responsabilités de décision. Il optera avec conviction pour un tampon japonais trouvé chez Raymond Piela. Je n’ai jamais compris le rapport qu’il pouvait y avoir avec le contenu du CD, mais l’étrangeté du contenant rendra sa diffusion plus malaisée auprès du grand public.  Sur ce disque, le quatrième de la collection « Üss’m Liederbrunne » on trouvera :

 

DE SPRENZKANNTENOR (sur un air de Jean-Philippe Rameau) – S’BRIEFBOOT  (sur un menuet de Joseph Haydn) – D’WALDMUEHL (sur un texte de R. Buchert et la pavane d’un anonyme du 16ème siècle) – SCHWESCHTER MONIQUE (sur un rondeau de François Couperin) – HESCH SCHUN DRAN GEDENKT (sur un texte inédit de R. Buchert) – D’MONDASMORJELIEB – DE ZIEWELKUECHE (sur un extrait de Rigoletto de Giuseppe Verdi) – UF DE FLEJEL VON-E ME TRAUM (sur une mélodie de Félix Mendelssohn Bartholdy) – DE FRIND VON BUDAPEST – Z’NACHTS (sur un texte de R. Buchert) – STEH UF – PASSIONSLIED (sur un cantique de Georg Neumark) – IN DE MITTE VON DE NACHT (sur un andantino de Carl Maria von Weber).

 

Rémy fit par la suite quelques retouches aux orchestrations pour en rendre l’exécution possible par une formation réduite à 6 musiciens. Le spectacle créé sera donné plusieurs fois en représentation en Alsace (Festival « Summerlied » 1998, Art et Culture saison 1999 à Riquewihr…), mais aussi en Allemagne et en Suisse.

 

En 1999 on retrouvera, édité par dans la collection « Üss’m Liederbrunne », « UF D’R ANDER SIT VOM MOND » sur une nouvelle compilation « Mit’nander », rassemblant des artistes alsaciens et badois.

 

Je publierai cette même année un nouveau livre : « AU HASARD DE L’AVENTURE ». Gilbert Seyller travaillant ailleurs, je serai efficacement assisté dans cette entreprise par René Dry. Le peintre Camille Claus en réalisera la couverture.

 

 

CANTIQUES POUR LE TEMPS DE CARÊME (2000)

 

 

Plus que Noël encore, Pâques est dans l’année chrétienne un événement majeur. Le 5 mars 1989, en l’église Ste Aurélie de Strasbourg, accompagné par Rémy Drago, Gérard Geny et Jean-Pierre Albrecht, je proposais pour la première fois : « Un moment musical pour le temps de la Passion ». J’avais encadré mes chansons de divers textes bibliques appropriés. Il y eut un second concert à Ostwald, puis la parenthèse pascale fut refermée.

 

J’avais par la suite composé « De Samariter », chanson bilingue enregistrée pour le culte dominical diffusé le 25.9.1991 sur France Culture, mais ce n’est qu’en 1994 que je ressortais le projet de proposer pour Pâques, le pendant de Noël.

 

Depuis quelques années, il ne s’était guère plus trouvé d’occasion pour travailler avec Rémy Drago. Et ce n’est pas l’envie qui nous manquait. Je préparais alors un nouveau collage de textes bibliques et de chansons, un peu sur le modèle de ce que j’avais présenté à Ste Aurélie.

 

Depuis la mésaventure de « Müsik » en 1982, je n’avais plus croisé Raymond Schacher que pour une participation très anecdotique dans « Reise », en 1986. Il nous accompagnera dans cette première tournée où « Chemin de Pâques – A Wäj nooch Ostre » sera présenté 16 fois entre le 16 février et le 4 avril 1994, dans des paroisses d’Alsace exclusivement, la veillée étant bilingue.

 

Jean-Marie Reeber dont j’avais fait connaissance à Bobo Dioulasso, me mit à cette époque en relation avec le Groupe d’Animation Liturgique de Wasselonne. Je travaillais avec eux sur « Passage », un spectacle qui sera présenté entre octobre 1994 et avril 1995.

 

En février 1996, nous descendrons en familles avec les Drago et Raymond Schacher, à St Cyprien (dans les Pyrénées Orientales) pour y préparer « Il s’appelait Fils de l’Homme – Menschesohn isch siner Name gsin » Nous en profiterons pour présenter « Chemin de Pâques » dans une version entièrement française à Perpignan, Prades et Collioure.

 

Je changeais aussi de registre. Au lieu des textes bibliques, ce sont mes propres réflexions qui serviront de support aux chansons. En 1997, je reprendrai cette dernière méditation, accompagné de Jean-Pierre Albrecht, mais la formule bilingue me donnait de moins en moins satisfaction. Je la jugeais bancale.

 

Nous profiterons en avril 1998 d’une invitation à Strasbourg-Hautepierre, suivie d’un autre projet de vacances à St Cyprien assorti de concerts à Perpignan et à Collioure, pour passer définitivement au français intégral. A cette fin, je substituerai à mes propres chansons, des chants puisés dans les répertoires des auteurs connus et les livres de cantiques traditionnels.  Cette version sera reprise en 1999 où nous l’exporterons en sus à Hayange et à Freyming, puis à St Maur en région parisienne et enfin à Lorient et à Vannes.

 

Au réveillon de la St Sylvestre de cette même année, je subodorais, à la façon dont Raymond Schacher s’était au douzième coup de minuit précipité sur Christine Formhals, qu’entre ces deux-là, il y avait anguille sous roche. J’en fus à dire vrai content, car ces deux-là m’étaient sympathiques ; et d’ailleurs, je caressais depuis l’enregistrement de « Mini Symphonie », le secret espoir de bénéficier sur scène d’un accompagnement où le violoncelle jouirait d’une place prépondérante.

 

Pour « Le dernier repas » créé en mars 2000, faute de mieux, j’écrirais moi-même quelques chansons. Elles sont sans prétention. Il s’agit d’œuvres de circonstances dont la vocation était essentiellement illustrative. Je souhaitais malgré tout en conserver une trace. Francis Adam les enregistrera et mixera dans l’après-midi du 6 février 2000 dans les conditions du live, en l’église de la Réconciliation de Hoenheim.

 

Ce disque nous permettra finalement de financer une tournée de 16 concerts qui, à nouveau, passera par la Lorraine, la région parisienne, la Bretagne, pour se terminer le 25 juin au Liebfrauenberg, dans une clairière remplie d’un peu plus de 1000 pèlerins.

 

J’interprétais en fait 11 chansons pendant « Le dernier repas ». Nous avons toutefois évité d’enregistrer des chants qui certes se chantent habituellement dans les églises, mais dont les auteurs seraient susceptibles d’être protégés par la SACEM. Le CD, de ce fait, ne comportera que 8 titres :

 

TU PEUX VENIR DANS MA MAISON – LA BALLADE DE L’ÂNE (sur une musique traditionnelle) – LES BANQUIERS ET LES MARCHANDS – LAVONS-NOUS LES PIEDS (sur une musique traditionnelle) – MARIE DE BETHANIE – HOSANNA – JOUR DE FÊTE (sur une musique traditionnelle) et – CHRIST ROMPS-NOUS LE PAIN (sur une musique de C. Lahusen et un texte d’Yves Keler).

 

Avec cette dernière chanson, je réunissais enfin dans une seule et même discographie, la mienne en l’occurrence, le fameux K.G.B. qui avait dirigé les paroisses de Bischheim – Hœnheim au temps de ma jeunesse (Keler – Guerrier – Bronnenkant).

 

Jean-Pierre était au synthétiseur et avait fait les chœurs, Christine Formhals était au violoncelle, Raymond Schacher aux percussions et au violon. Je m’étais accompagné à la guitare. Pierre Zeidler qui était de passage avec son saxophone, a amicalement enrichi l’interprétation d’une chanson, par une de ces improvisations qui lui coulent aussi simplement que du sable fin entre les doigts.

 

 

KONZERT SUMMERLIED 2000

 

 

En 1999 une tempête secouera le petit monde de la chanson alsacienne à propos de « Babel », 1er Festival Européen de Musiques Régionales et Cultures Mélangées que la ville de Strasbourg organisait sous la houlette de Roger Siffer. « Summerlied » et « Babel » furent présentés comme concurrents.

 

De part et d’autre, les anathèmes fusèrent. Procès d’intention, propos outranciers, radicalisations, caricatures et règlements de compte seront souvent au coeur de débats où les craintes d’être frustré de quelques couvertures médiatiques et de quelques subventions indispensables, auront dans chaque camp leur part.

 

Je pris mes responsabilités et participais activement à cette polémique, mais pas dans le sens d’un manichéisme que les passions avaient généralement déchaîné. Mon cœur était à « Summerlied », mais ma raison ne pouvait condamner « Babel » dont l’esprit et les objectifs ne me semblaient en rien comparable. « Summerlied » offrait à la chanson d’Alsace une scène dont, depuis « Schelige singt immer noch », elle était orpheline. « Babel » ne lui proposait qu’un siège dont l’intuition et l’expérience me disaient qu’il deviendra vite un strapontin.

 

Mes prises de position étaient franches et fermes, mais elles ne claquaient aucune porte. Roger Siffer me fit contacter pour participer à la création de la cérémonie d’ouverture « Symfolie » composée par Henri Muller sur un livret de Jean-Marie Koltès dont j’adaptais en grande partie, chansons et textes en alsacien. Ce monument sera présenté le 9 juillet 1999 au Palais des Congrès avec 174 musiciens, choristes et comédiens.

 

Nous improviserons également avec le père Ledogard et le pasteur Reutenauer, Jean-Pierre Albrecht, Jean-Marie Koltès, Michel Reverdy et Jean-Pierre Schlagg, un office oecuménique auquel on eut volontiers adjoint un rabbin et un imam… mais la circonspection naturelle des instances religieuses que justifiait au demeurant le caractère impromptu de cette affaire, empêchera une telle rencontre. Seul un entrefilet dans les Dernières Nouvelles d’Alsace du 8 juillet signalera au public l’existence de cette célébration. On avait prévu une cinquantaine de chaises, il fallut en rajouter tout autant.

 

Roger me rappela vers la fin de l’année pour me soumettre un autre projet. Il voulait s'y prendre à temps pour s’assurer de la participation des 4 religions monothéistes à « Babel » 2000 et me demandait dans ce cadre de lui traduire

une douzaine de Gospels en alsaciens. J’opposais à Roger que les Gospels parlaient assez systématiquement du « Seigneur Jésus » et qu’ils ne pouvaient donc servir de vecteur structurant pour une cérémonie à laquelle seraient associés imam et rabbin.

 

Il subsistait en outre un différend financier fort peu motivant concernant ma participation à Babel 1999. Il s’avéra que Roger, en toute bonne foi, en ignorait l’existence.

 

Mais il y avait surtout que Jacques Schleef m’avait donné carte blanche pour la création d’un nouveau spectacle sur la grande scène de la clairière à Ohlungen…, j’étais largement occupé. Je m’engageai néanmoins à lui adapter 2 ou trois négro spirituals, me piquai vite au jeu et lui en livrai 6 que Véronique Schaeffer, Cathie Bernecker, Isabelle Grussenmeyer, Alain Martz et moi interprèterons sur « Negro Spiritu’Alsacien – Gospel G’sang » un CD enregistré en Mai 2000 par Michel Bildstein au Théâtre de la Choucrouterie sur des arrangements de Henri Muller (piano) avec Guy Brogle (percussions), Michel Ott (synthétiseur) et Pilou Wurtz (basse).

 

Le CD comportera finalement 22 chansons et autant d’interprètes. Cookie Dingler avait également choisi un de mes textes, mais la version musicale de « Somebody’s knockin’ at yo’ do’ » qu’il connaissait n’avait aucun rapport avec la mienne. Nous ne nous en rendrons compte qu’à la veille de mon départ pour la tourné pascale, à quelques semaines de la date d’enregistrement prévue…trop tard. Cookie torturera mon texte tant et si bien qu’il finira par entrer dans les chaussures de cette autre mélodie… son professionnalisme compensera les faiblesses de ce qui subsistera du texte original.

 

Il restera une autre trace de ce Babel 2000. Roger nous avait demandé de rendre hommage aux poètes disparus. J’adaptais 3 chansons dont « Le 22 septembre » de Georges Brassens dont je fis un autobiographique « 13te juli ». La chanson, enregistrée en public par Michel Bildstein, avec Michel Ott (piano), Pilou Wurtz (basse) et M. Zirn (batterie), paraîtra l’année suivante sur un CD produit par la Choucrouterie.

 

Mais, comme dit, mes préoccupations cette année-là étaient ailleurs. Je visais « Summerlied ». Jacques Schleef m’avait proposé un cadre budgétaire qui permettait un véritable travail de création. J’avais sous le coude 13 chansons inédites, de quoi ne pas me répéter…, mais je rêvais aussi d’une formation plus étoffée qui réunirait jazzmen et musiciens issus du classique.

 

 

Hélas, le pianiste pressenti s’avéra très peu disponible, les premiers projets d’arrangement reçus me laissaient sceptique et il n’y eut que 2 musiciens sur 8 à la première répétition. J’avais souvent joué avec bonheur la carte de l’éclectisme, mais cette fois-ci, il me semblait que la mayonnaise ne prenait pas. Les musiciens, de traditions, de formations, d’horizons différents n’avaient pas la même approche. Le syncrétisme imaginé me semblait inaccessible.

 

J’étais sur le point de jeter le bébé avec l’eau du bain et m’en ouvrais sincèrement à tous. Rémy Drago (guitare), responsable des arrangements et de la direction musicale comprit assez rapidement mon désarroi. On changea de cap et de braquet. Il contacta Jean-Luc Lamps (piano) qui nous avait accompagnés en 1986 sur « Reise ». Il se révéla efficace et précis. Martial Muller (Wäschbrett et batterie) s’investira avec une rigueur que je lui connaissais déjà et participera au travail d’arrangement. Pierre Firer (guitare basse et contrebasse) et Pierre Zeidler (clarinette et saxophone) étaient des pro de l’improvisation.  Ils avanceront bien vite. Thierry Kern (trompette) qui avait participé lui aussi à l’enregistrement de « Reise », réalisa un travail d’orfèvre. Raymond Schacher (violon) écrira pour lui et pour Christine Formhals (violoncelle) les arrangements pour les cordes.

 

L’enregistrement du concert donné le 12 août 2000 se révèlera déjà de bonne qualité. Je savais bien que l’opportunité de tourner avec une telle formation ne se représenterait pas. Jean-Marie Lorber étant présent sur le festival, je l’informais de mon intention de réenregistrer l’intégralité du concert en studio et de le proposer sur CD dans la collection « Üss’m Liederbrunne ». Nous nous retrouverons à cette fin les 7 et 8 octobre avec Francis Adam dans les locaux de l’école de musique de Gambsheim. J’accompagnais une chanson à la guitare, ne rajoutant par rapport au concert public, que quelques touches d’accordéon.

 

On trouvera sur ce CD : FRÜEHJORSLIED – CARPE DIEM – DE LIEDERLICH TANGO – E KLEINI MELODIE – S’GEBT IMMER E BRICKEL (sur un texte de Lucien Koebel) – DREI MUNSTER (sur un texte de Jean Dentinger) –DE MESSTIBAL – IN DE WIRTSCHAFT VOM HAFE – AN UNSERI NACHTIGALLEZICHTER et AM KANAL (2 textes signés Henri Mertz) –‘S GEHT MOL HER, ‘S GEHT MOL HIN – MER SIN NIT D’LETSCHTE – VATER UNSER (adaptation du « Notre Père »).

 

 

NEGRO SPIRITUALS – DE WÄJ NOOCH BETHLEEM (2001)

 

 

Un gros biscuit en forme de guitare, avec nos prénoms écrits dessus, trônait sur la table des desserts. C’est ainsi que Robert Weiss avait voulu nous honorer, Jean-Pierre Albrecht et moi, lors de la garden-party qu’il organisait le 27.6.1998 au Bildhauerhof. Il nous avait demandé d’animer cette réception, mais avait offert en sus du concert, un de nos disques à chacun des ses convives.

 

Je décidais de réinvestir la totalité du fruit de cette soirée dans un outil de travail qui me deviendra très vite indispensable : un piano.

 

Du fait de son statut de plus en plus contraignant d’intermittent du spectacle, Jean-Pierre était de moins en moins disponible…, je me produirai à l’avenir si nécessaire en soliste, remisant ma guitare au profit d’un instrument aux sons, aux harmonies, plus amples.

 

Jean-Pierre nous annoncera en décembre 1999 qu’il ne participerait pas au prochain « Winnachte bie uns ». Il était saturé d’églises et avait besoin de prendre du recul. Pierre Zeidler, quant à lui, s’était d’ores et déjà investi dans un projet théâtral et son indisponibilité était certaine. Martin Schütt était sur le point de transformer sa maison pour en faire un lieu de concert et de restauration. Il aura prioritairement à cœur d’en assurer l’animation et la gestion. Il ne saurait prendre les initiatives que requiert l’organisation d’une tournée de Noël.

 

A dire vrai, je ne tombais pas franchement des nues. J’avais envisagé cette éventualité et élaboré dans ma tête un projet de substitution. Dans la lancée de mon travail pour « Babel 2000 », j’avais mis en chantier une douzaine de négro spirituals. Fort de ce nouveau répertoire, j’écrivais « Négro Spiritual », une histoire de Noël dont l’intrigue se déroulera pour l’essentiel sur le toit du World Trade Center, à New York. Je puisais à cette fin très largement dans les souvenirs d’un séjour que j’avais fait dans cette ville.

 

J’avais pris beaucoup de plaisir à jouer avec Christine Formhals et Raymond Schacher.  Notre tournée pascale s’était déroulée très harmonieusement. Je les sollicitais par priorité. Il manquait toutefois à cette formation la pièce maîtresse. J’avais un piano, mais pas de pianiste.

 

Pour Noël 1999, j’avais invité Christine à Hoerdt. Elle y avait donné un concert, accompagnée de ses 2 filles. Je connaissais déjà Julie Gacser qui avait participé à l ‘enregistrement de « Mini Symphonie », je découvrais Sophie Gacser…, elle était pianiste. La cause était entendue.

 

Le 28.12.2000, dans la foulée de notre tournée de Noël, Francis Adam enregistrera au domicile de Christine 10 négro spirituals. Raymond Schacher s’était investi dans un travail d’arrangement assez étonnant. Il récidivera en 2001 pour « De Wäj nooch Bethleem » : 9 noëls traditionnels de Catalogne, de Tchéquie, d’Auvergne, du Poitou, de Bourgogne, de Bretagne, de Bresse, de Provence et de Savoie, qui seront enregistrés les 6 et 7 juillet 2001.

 

L’écoute répétée de nos premiers enregistrements me laissait malgré tout sur un doute. Notre approche des négro spirituals était fort peu académique. La chose en soi n’était pas pour me déplaire, bien au contraire, mais je me sentais frustré de cette pulsion, de ce balancement très particulier qui identifie habituellement le genre. Notre interprétation en était singulièrement orpheline. Les basses du piano n’étaient pas assez percutantes. La rythmique ne s’imposait pas, elle se devinait… accessoirement ; tout le monde en convenait. Je consultais Martial Muller. Nous avions certes pris quelques libertés avec les tempos, mais ils lui parurent suffisamment réguliers. Il y rajoutera donc la batterie.

 

Nicole Mathis réalisera les photos de la couverture du CD où nous poserons tels qu’en formation de concert : Sophie Gacser (piano), Christine Formhals (violoncelle et tambour népalais), Raymond Schacher (violon, flûte et djembe), et moi (guitare, accordéon, harmonica, psaltérion, tambour marocain).

 

Le CD commencera par « De Wäj nooch Bethleem » avec FUM FUM FUM (Catalogne) – ALLI WELLE LIECHT (Tchéquie) – D’MARIE SIMELIERT (Auvergne) – UF’M KAMEL (Poitou) – DREI KENI IN DE NACHT (Provence) – D’SOLDATE VOM HERRODES (Bretagne) – DÜ BRÜCH KEN ANGSCHT ZE HAN, MARIE ! (Bresse) – D’GUETE HIRTE (Provence) – S’WIHNACHTSGSCHENCK (Savoie).

 

Les négro spirituals suivront, pareillement présentés dans l’ordre du concert : ICH KOMM ZUE D’R (I’m a Rolling) – HERRGOTT DINER SÄJE (My Lord, what a Morning) – S’LOVE ALLI GOTT MIT DEM WORT (Singin’ wid a sword ma’ han’ Lord) – WER STEHT HIT OWE VOR MIM HÜS (Somebody’s knockin’ at to’ do’) – DÜ BISCH DE RICHTIG WÄJ (d’après un thème de Give me that old time Religion) – S’TRÄNETAL (Rede river valley) – OH GLORI ALLELUIA (Go tell it on the mountain) – HERR ICH KOMMM (Steal away) – ICH BRÜCH DINI LIEB (Le Seigneur nous a aimé) – DE BLICK VOM LIEWE GOTT (St James ).

 

Pour les négros spirituals, Nicole nous avait photographiés sur le fond d’un croquis de Manhattan fait d’après mes photos réalisées en 1989.  Nous ne pouvions pas deviner que les 2 tours du World Trade Center s’écrouleraient le 11 septembre 2001. La maquette avait été achevée un mois plus tôt. 

 

ICH BBRÜCH DINU LIEB paraîtra encore en 2002 sur un CD enregistré en public lors d’un concert organisé par Werner O. Feist, producteur de l’émission « Erzählen und singen in der Advenszeit »

 

  

 

ROLAND ENGEL SINGT WIHNACHTE (2002)

 

En 2001, NEGERGSANG et PASSIONSLIED, paraîtront sur un CD collectif : « De la Musique Pour l’Elsau »

 

J’avais écrit un nouveau texte pour Pâques 2002, « Ecce Homo », et pour la circonstance 2 nouvelles chansons en français.  Les répétitions se feront dans la foulée de Noël et avec la même formation musicale.

 

En novembre 1999, Rémy Drago m’avait demandé d’animer avec lui une veillée où je lisais des oeuvres de Claude Vigée. Cette expérience connaîtra une suite en 2002 et c’est autour de la poésie de Maxime Alexandre, avec la collaboration de Jean-Paul Klee, que se construiront ces soirées.

 

Grâce à un travail persévérant, je finis par acquérir une plus grande maîtrise du piano et donc plus d’assurance. Je revisiterai et me réapproprierai tous les négro spirituals. J’en adapterai plusieurs autres et les proposerai en duo avec Martial Muller à la batterie. Daniel Priss s’offrit de nous accompagner à la contrebasse et nous nous produirons dès lors plus régulièrement en trio.

 

En 2002 je convenais aussi avec Francis Adam de graver sur C.D. et en quantités limitées mes vieux 33 tours. La technologie permettait à présent de telles opérations à des coûts raisonnables.

 

Francis, quant à lui, souhaitait produire un C.D. où seraient réunies toutes mes chansons de Noël, éparpillées à ce jour sur des supports sonores divers. Il me proposera d’y rajouter, cerise sur le gâteau, quelques-uns de mes nouveaux négro spirituals. Je sollicitais à cette fin Pierre Zeidler (saxo –clarinette) et « Les Messagers » (Pierre Arnold : ténor, Jean-Pierre Meyer : basse, Claude Freyburger : baryton-basse et Gérard Linderer : baryton) pour des chœurs. J’enregistrais moi-même les parties de piano. ICH BIN’S HERR JESUS (Stan’in’ in de Need of Prayer) – IN DE PREDIG UF’M BERY (Let de Heb’n light shire on me) – KOMM S’ISCH HÖGSCHTI ZIT (O Mary don’t you weep) – LOS MICH NIT IM STICH (Sonn i will be done) – MER MUES NUR DE GLAUWE HAN (There’s a Man goin’ Roun’) seront, pour des raisons techniques, enregistrés à partir du 26 Juillet 2002 avec Martial et Daniel, dans le studio personnel de Daniel Priss. Jean-Paul Ehrismann, humaniste et peintre généreux dont j’appréciais l’œuvre, acceptera de nous confier une de ses aquarelles pour la pochette.

 

 

S’ISCH WIHNACHTE, MI CORAZON ! (2003)

 

Christine Formhals et Raymond Schacher, au fil de nos tournées, étaient devenus des amis proches, mais Raymond est un personnage très particulier dont j’ai renoncé à faire l'analyse. Ses réactions sont parfois imprévisibles. Il est à la fois bourré de doutes et de certitudes, distant est proche, sensible et radical, ouvert et obstiné, généreux et méfiant, bohème et méticuleux… ; mais au fond, c’est simple : il est compliqué. C’est tout ! Il me répètera régulièrement que s’il aimait ce que je faisais et s’il aimait jouer avec moi, il considérait à contrario son travail d’arrangeur pour lequel il ne se sentait aucune vocation comme astreignant, qu’il n’avait aucune prédilection pour les longs déplacements que j’avais tendance à imposer et que de toute façon, je risquais de lasser mon public à me produire systématiquement avec la même formation musicale. Je lui objectais régulièrement « … tant que je n’en suis pas las moi-même et que vous n’en êtes pas las vous ! Où est le problème ? » 

 

Il me fallut pourtant admettre que nous avions enchaîné plusieurs tournées de Pâques et de Noël, avec à chaque fois un travail de création important à la clef, à telle enseigne que je ne donnais plus guère d’autres sortes de concerts au courant de l’année (à peine 4 ou 5 en 2003.) Mes exigences en termes de disponibilité étaient peut-être excessives.

 

Rémy Drago, à l’inverse, se disait précisément d’avantage « disponible. » Ne sachant trop quoi faire de cette offre, je l’associais dans un premier temps à une demande d’animation commandée pour l’été par le Syndicat d’Initiative de Marmoutier. J’avais pris goût à la lecture des poètes d’Alsace et je décidais : « Kléber, Kellermann, Rapp, Ney…, l’Alsace est autant connue pour ses sabreurs que pour sa choucroute et ses vins blancs, mais que sait-on de la poésie, de la culture, qui traditionnellement se déclinent ici dans 3 langues, le français, l’allemand et sa forme d’expression régionale : l’alsacien ? » Voilà un bon projet : « Poètes d’Alsace ; 3 langues pour un même espace culturel. »

 

J’en arrivais finalement à prendre Raymond au mot. Le moment n’était-il pas venu de surprendre à nouveau le public en proposant quelque chose de foncièrement nouveau ?  Le projet de Pâques 2004 était depuis longtemps conceptualisé, textes et chansons en cours d’écriture, alors que je n’avais encore aucune idée de ce que je pourrais bien proposer à Noël en 2003 ; or Rémy avait joué de nombreuses années dans des formations de musique indienne (des Andes.) C’était un genre musical que je n’avais jamais exploré…. Il y avait là de quoi me séduire.

 

Je connaissais par ailleurs Guillermo Jerez de longue date. Ce guitariste chilien avait accompagné Jacqueline et Edourd Bauer (Folk de la Rue des Dentelles) au temps de nos militances sur les terrains de lutte écologiques. Il accepta volontiers de se joindre à nous pour une tournée de Noël en compagnie de Michel Bernard, un spécialiste du charengo. J’avais déjà eu l’occasion de les entendre en duo.

 

Guillermo me prêta plusieurs carnets de chants et de musiques traditionnelles d’Amérique du Sud. Je choisissais 8 mélodies et me mis au travail.

 

Il manquait toutefois à ce programme une histoire et je m’affligeais à la fois d’un manque de temps et d’idées. J’avais écrit 4 petites nouvelles pour Noël 2002. Je ne me sentais pas en capacité de récidiver en imaginant quelque chose d’approprié à l’esprit musical, ici très spécifique, et de faire encore une fois preuve d’originalité.

 

Lucie Aeschelmann, une amie d’enfance, institutrice récemment partie en retraite, m’avait proposé ses services pour toutes sortes de travaux utiles… manuscrits à taper ou à traduire…. Je lui suggérais d’écrire des contes de Noël autour de mes chansons dont je lui livrais les textes. Elle imaginera une histoire qui aurait pu se passer dans n’importe quel village de la Cordillère des Andes et que je placerai résolument du côté de San Salvador de Jujuy en y instillant quelques fragments de souvenirs d’un ancien voyage qui m’avait conduit de Buenos Aires en Argentine jusqu’à Vilazon à la frontière Bolivienne.

 

Notre travail de répétition était déjà bien entamé, quand je suggérais : « c’est un peu dommage, tout cet investissement ! Tout ce boulot ! Il aurait fallu l’enregistrer. Mais à quoi bon enregistrer après Noël des chansons que je ne chanterai vraisemblablement plus jamais par la suite ? » Tout le monde en convint, si enregistrement il devait y avoir, l’opportunité de le proposer au public se présentera à Noël et pas après.

 

Tous étant d’accord pour mettre les bouchées doubles, je contactais Francis Adam. Il y avait urgence. Nous étions en septembre. Par ailleurs, mon armoire était encombrée du stock impressionnant des 12 albums constituant la presque totalité de mes œuvres (à l’exception de la cassette : « Uf D’R ANDER SIT VOM MOND ») et je n’avais nullement l’intention d’investir massivement dans un produit aussi saisonnier. Nous trouverons rapidement un compromis. Francis s’occupera lui-même de la gravure et de la duplication de 300 CD. J’en prendrai 200 à ma charge et il s’occupera de la commercialisation du surplus.

 

Les enregistrements auront lieu les 25 et 26 octobre à Gambsheim, chez Francis, dans un local en cours d’aménagement qui répondra sans doute un jour aux normes de ce qu’on entend en général par l’appellation « studio. » Il y avait comme une petite tension, stimulante, dans l’air. Un peu de stress qui permit finalement à tout un chacun de se dépasser.

 

Le mixage se fera dans la foulée, le 27.10, en compagnie de Guillermo. Le « Bon à tirer » que j’écouterai le lendemain soir ne me donnait pas véritablement satisfaction. Francis convenait au demeurant de différences de niveaux perceptibles sur l’un ou l’autre titre. Je retournais immédiatement au studio où nous remixerons 3 chansons. Je quittais Francis à 1h ½ du matin et le jour même je partais pour St Cyprien où je profitais de 2 semaines de vacances pour enfin travailler sur le conte de Noël lui-même.

 

J’avais sorti de mes archives les photos des paysages d’Argentine que j’avais réalisées lors de mon voyage et Nicole Mathis s’en est inspirée pour réaliser une pochette dont Francis s’est à son tour astucieusement servi pour harmoniser la présentation de l’ensemble du produit.

 

Aux 8 mélodies traditionnelles que j’avais utilisées, j’ai rajouté une chanson nouvelle dont la mélodie, prévue à l’origine pour un poème de Ramond Piela (voir page 25), n’avait finalement jamais été enregistrée. Notre conte de Noël était de surcroît inclusif de 2 instrumentaux composés par Michel Bernard. Ils complèteront le CD.

 

Les titres des chansons et des morceaux de musique ont été imaginés, comme bien souvent, dans l’urgence du moment : SOBRE LA RUTA (instrumental de Michel Bernard) - S’LÄMPEL (El Costillar) – SÜENDEBEKENTNIS (Campos Naturales) – SCHLOFF IN KLEINES JESÜSKIND (Arrurru) - WINTERNACHT (Todos Juntos) - D’LIEB (Oje Azules) - TRADISONNANTE (instrumental de Michel Bernard) – DENN DER GHÖERT EHR (La Vara) – VERGÄNGLICH (dont j’ai composé la musique) - S’ISCH IN BETHLEHEM PASSIERT (El Pequen) – ÜS DE ALTE WURZEL (La torre en Guardia.)

 

Rémy Drago a joué de la guitare, Michel Bernard du charengo, de la guitare, du cuatro et du bombo. Guillermo Jerez qui a joué de la guitare et du requinto, a en outre chanté un des couplets originaux et des refrains en espagnol. J’ai rajouté quelques touches discrètes d’accordéon.

 

 

LE SILENCE DE DIEU (2003)

 

L’année 2003 fût de celles qui sont particulièrement chargées en projets. J’avais fraternisé avec « Les Messagers. » Ils m’avaient invité à participer à l’une de leurs soirées à « La Choucrouterie » à Strasbourg et fin 2002 je les avais sollicités à mon tour pour un concert commun au « Cheval Blanc » à Schiltigheim.

 

La Chorale « Vocalia » des enseignants du Ried Nord (près de 70 choristes) avait par ailleurs mis un de mes gospels à leur répertoire et Jean-Michel Steinbach qui les dirigeait lorsque j’en fis la découverte, se disais intéressé par une plus étroite collaboration.

 

Je suggérais à Jacques Schleef de rassembler tout ce monde sur une même scène, pour un concert de gospels en trois langues, à savoir sur celle de la « Clairière », à l’occasion du Festival « Summerlied » à Ohlungen en août 2004 et cette proposition fut agréée.

 

Avec Sophie Gacser, Christine Formhals et Raymond Schacher, nous reprendrons « Ecce Homo » pendant la période de Carême. La possibilité de le présenter hors région : à Vesoul, Grasse, Céret et Perpignan s’était présentée mais les réticences de Raymond ne permirent de concrétiser ce déplacement qu’en compagnie de Jean-Pierre Albrecht qui saisit l’opportunité pour passer avec Nicole et moi 2 courtes mais chaleureuses semaines de vacances. Il m’avait toutefois fallut retravailler tout le spectacle avec lui. L’amitié fit que le jeu en valait la chandelle.

 

S’il était convenu que nous ferions la pause à Noël, il était entendu que Sophie (au piano) Christine (au violoncelle) et Raymond (au violon) m’accompagneraient à nouveau pour la tournée de Pâques 2004.

 

Raymond y avait toutefois mis une condition : je devais prendre pour partie en charge la réalisation des arrangements. Raymond m’apprendra à cette fin à me servir de mon ordinateur. Je m’attaquais bien volontiers à ce travail, astreignant certes (il m’a mangé beaucoup de temps), mais oh ! combien ludique et enrichissant !

 

Le thème de cette nouvelle méditation m’avait été inspiré par un poème qu’Erwin Muller, alors pasteur à Brumath, m’avait confié quelque 5 ou 6 ans avant « Le silence de Dieu » (la nuit du Samedi Saint.) Je ne parvenais malheureusement plus à mettre la main sur ce document, ni à en obtenir une copie. Erwin avait déménagé dans l’intervalle et les courriers que je lui adressais, étaient systématiquement retournés à l’envoyeur. Quand enfin nous arriverons à renouer le contact, mon texte était achevé.

 

Ma réflexion s’était nourrie entre-temps d’un sermon d’Hélène Marx et des poèmes mystiques de Hussein Mansour Al-Hallaj, qu’un ami musulman m’avait offert en souvenir de sa participation à l’office inter-religieux que j’avais organisé en 2002 au Festival « Summerlied » à Ohlungen. J’avais également, pour les besoins de la cause, écrit 5 « cantiques » nouveaux.

 

L’idée d’enregistrer les 7 chansons écrites pour « Ecce Homo » et pour « Le Silence de Dieu » m’avait plus qu’effleurée. J’en discutais un jour avec Daniel Priss et nous convîmes d’une co-production avec la Paroisse Protestante de l’Elsau.

 

L’enregistrement que nous avions réalisé dans son studio pour « Roland Engel singt Wihnachte » n’avait pas laissé que de bons souvenirs et les relations entre Daniel Priss et Francis Adam avaient pris une tournure dont il m’était difficile de démêler où se trouvaient les parts de susceptibilité ou de mesquinerie. Francis ne pouvait pas en l’occurrence me reprocher de changer de studio, mon projet s’inscrivait dans le cadre naturel de ce qui plus encore que mon activité artistique, était un engagement ancien, constant et connu.

 

Il reste qu’avec 7 titres, je n’avais pas de quoi remplir un album. Des chansons que j’avais utilisées en sus, 2 étaient de type traditionnel : le « Kyrie des Gueux » et « We shall owercom » pour lequel je composais un texte nouveau.

 

 « Aide-nous, ô ! Fils de Dieu » ne comportait qu’une seule strophe dont l’auteur, Georges Pfalzgraf, me confirmait qu’elle était libre de droits. J’en avais rajouté deux autres dont je n’arrivais plus à retrouver l’origine. C’est en vain que j’interrogeais d’éminents hymnologues. Yves Keler y porta un regard critique et me suggèrera diverses modifications. Je finis par aboutir à un texte pour lequel il me donna l’absolution.

 

Je renonçais par contre à enregistrer un récit de la Passion écrit sur l’air de la légende de St Nicolas par Louis Levrier, n’ayant pu savoir si l’auteur était membre de la SACEM. La réponse de la SACEM me parviendra début janvier 2004… « Louis Levrier est inconnu » … mais le disque était déjà en cours de mastérisation.

 

Sophie Gacser imaginera une représentation graphique pour la réalisation d’une pochette significativement différente de toutes celles qui ont précédé. A l’exception de quelques touches d’accordéon que je rajoutais en dernière minute, l’enregistrement sera conforme à ce que nous proposions en concert. Enregistrement et mixage auront lieu du 27 au 29 décembre 2003.

 

L’album comportait les titres suivants :

 

TA MORT NOUS HISSE VERS LA LUMIERE – AIDE-NOUS Ô FILS DE DIEU (dont la première strophe est de G. Pfalzgraf et les deux suivantes conçues avec l’aide d’Yves Keler sur une musique de M. Weisse) – POURQUOI ? (sur la musique de We shall owercome) – C’EST LA FAUTE DE DIEU QUI DORT – REGARDE ? ECOUTE ! – KYRIE DES GUEUX (musique : Landsknechtsmarsch/16ème siècle et texte traditionnels) – PAROLE DE DIEU – CANA – DIEU SUR LA TERRE ET DANS LE CIEL – LA VIE VA.

 

 

ES BLUEST E KALTER WIND (2005)

 

L’insistance de Raymond finit par payer. Il m’incitait à chaque occasion à changer de style et de musiciens. Encore que je n’éprouvasse aucune lassitude à jouer avec Raymond et Christine (je l’ai déjà dit), je me mis à nouveau à envisager une telle éventualité. Je savais au demeurant que Sophie Gacser ne serait plus disponible pour la tournée de Noël 2004.

 

Clément, le fils de Nicole Mathis, était de tous nos enfants le seul musicien. Il était passé de violon au piano, n’avait certes que peu joué en public et en groupes, mais me semblait apte à progresser, pour peu qu’il fut bien entouré.

 

J’arrangeais, en les simplifiant un tant soit peu, une vingtaine de blues traditionnels et laissait Clément choisir ceux qu’il pensait pouvoir interpréter sans trop de difficultés. J’y mis des textes et les intégrais avec quelques compositions personnelles dans mon histoire : « Wihnachtsblues in de Melrose Street ».

 

Je fis appel à Martial Muller (batteur) qui s’avérait en cette circonstance un pédagogue patient et précieux et à Michel Vies (saxophoniste), qui fin 2002 m’avait dépanné, lorsque Pierre Zeidler s’était trouvé indisponible pour mon concert au « Cheval Blanc » avec « Les Messagers ».

 

Les répétitions allaient bon train, quand au début de l’été, Clément alors au chômage, se trouvait embauché à la S.N.C.F. Ces futurs horaires de travail s’avéraient incompatibles avec notre calendrier de concerts et j’étais bien embêté.

 

C’est Martial qui m’a suggéré de contacter de Jean-Luc Lamps. Il nous avait déjà dépanné au pied levé en 2000, pour « Summerlied » à Ohlungen. Je dois avouer que je n’y croyais pas trop. Je doutais de la disponibilité de Jean-Luc. J’avais tort. Il accepta.

 

Les choses prirent alors une tournure toute différente. Je travaillais avec 3 musiciens aguerris et les choses progressaient à telle enseigne que je leur proposais dès le mois d’octobre d’enregistrer nos chansons.

 

La réaction de Martial fut aussi vive qu’inattendu. Pas question d’enregistrer chez Francis Adam au studio Oméga. Il avait gardé de sa participation au mixage de « Negros Spirituals – De Wäj nooch Bethleem » un trop mauvais souvenir. Il avait le sentiment que nous faisions notre petite cuisine et que son avis, ces objections, n’avaient jamais été considérés. Jean-Luc Lamps abondait dans le même sens révélant lui aussi quelques difficultés relationnelles avec Francis lors de l’enregistrement de «Konzert Summerlied 2000 ». Jean-Michel

 

Vies ne disait rien et pour cause : il n’avait jamais enregistré ni avec moi, ni au Studio Oméga. Je ne pouvais, pour ce qui me concerne, me résoudre à réaliser cet album ailleurs, en ayant déjà évoqué le projet avec Francis alors que nous répétions encore avec Clément.

 

Tout cela n’avait cependant qu’une importance toute relative. Mon objectif était d’assurer nos concerts… en garder trace n’était que très accessoire.

 

Il se trouve que cette période de Noël fut vécue dans un esprit de camaraderie et de complicité, tel que tout le monde finira par en convenir : « dommage de se quitter sans avoir enregistré tout cela ! »

 

Jean-Luc et Martial finirent par consentir à retourner chez Francis Adam. Je m’engageais en contrepartie à ne pas intervenir dans le mixage, qui se ferait sous la responsabilité exclusive de Jean-Luc et de Nicole Mathis.

 

Il me fallut tout d’abord éliminer quelques chansons qui avaient pour seule finalité d’illustrer mon histoire. Hors contexte, elles n’avaient plus guère de sens. Je les remplaçais par une version du « Hans im Schnockeloch » d’Adolphe Stöber, peu connue du grand public, et par «Ich hab e Gärtel anzepflanze », chanson écrite il y a quelques années déjà, pour Nicole.

 

Le CD comportera 13 titres (dont une reprise). Mélanie Lefèvre, la compagne de Clément Mathis se chagera d’en dessiner la pochette.

 

GEDANKE IN DE NACHT – DE BECK VON DE GASS (blues trad.) – D’NEJJOHRSWÜENSCH (blues trad.) – E KALTER WINTER DAA (blues trad.) S’GIBT KALTI STUNDE (texte : Robert Weiss) – DE KLEINE MANN (blues trad.) – ICH HAB E GÄRTEL ANZEPFLANZE – WENN DE SCHNEE VERGEHT (blues trad.) – UF’M HOLTZWÄJ (bues trad.) – E NACHT WIE VIELI ANDRE (reprise d’une chanson enregistrée en 1998 sur le 3ème Winnachte bie uns) – LUKAS: KAPITEL 16 (blues trad.) – DE HANS IM SCHNOCKELOCH (musique trad. – texte Adolf Stöber) – MACH DE RADIO ENDLICH ÜS.

 

 Enregistrement et mixage seront réalisés fin janvier 2005.

 

 

SELIG SIN DIE WIE BRÜEDERLICH SIN (2006)

 

Je sollicitais dans la foulée de Noël 2004, mon talentueux trio pour Pâques 2006 et rendez-vous fût pris. Je pouvais ainsi joindre l’utile à l’agréable, travailler avec une équipe efficace, motivée, et utiliser pour partie un répertoire déjà rodé. Il me suffisait d’écrire de nouveaux textes en puisant dans le répertoire musical existant.

 

Mais avant Pâques 2006, il y avait Noël 2005 et un nouveau projet à imaginer. Ali Makrani, collègue de travail d’origine marocaine, m’avait parlé de son guembri et de la musique gnawa qu’il interprétait avec son groupe. Nous avions au demeurant voyagé en avion, de Frankfurt à Casablanca, avec Manu, son guitariste, qui se rendait au Maroc avec un groupe d’enfants de la banlieue sud strasbourgeoise, pour un stage de formation chez un maître gnawa.

 

Cette musique ne m’était pas totalement inconnue. Je l’avais déjà entendue lors de nos voyages. Tout particulièrement du côté d’Essaouira mais aussi à Marrakech. Je l’invitais à Hoerdt, à l’Espace Heyler, dans le cadre de nos soirées culturelles mensuelles : « Artistes au Presbytère ».

 

Bien que né à Paris, Ali avait un tempérament que l’on qualifierait habituellement de « typiquement méditerranéen ». Il faut certes fuir ce genre de cliché, mais en l’espèce, il était plutôt approprié. Je fus d’autant plus agréablement surpris par sa prestation. Il avait non seulement de la faconde, mais aussi du talent.

 

Dans une région où les idées nationalistes d’extrême droite trouvaient un écho disproportionné et inquiétant, il me semblait important de prendre non seulement position par le verbe, mais encore par une démarche culturelle clairement affichée. Ali n’était aucunement pratiquant. Abdelhadi Belkehir, percussionniste, lui, à contrario l’était. La perspective de faire une série de concerts dans des églises protestantes et catholiques ne posait cependant de problème à personne.

 

Ali me prêtera divers enregistrements qui passeront en boucle dans ma voiture pendant quelques mois durant. Je n’étais coutumier ni de ces musiques modales, ni de ces harmonies orientales, ni de ces rythmes énigmatiques. Je m’évertuais à en saisir la logique, à en repérer avec obstination les lignes de basse, n’ayant aucun élément d’ordre linguistique susceptible de me servir de repère. Je mis enfin tout cela en partition et lorsque je présentais mes toutes premières chansons à Ali pour voir si elles étaient exécutables en l’état, il m’avouait qu’il ne lisait pas la musique et qu’il improvisait son jeu de basse exclusivement à l’oreille. C’est Manu, à la guitare, qui devait être le support harmonique de l’ensemble, mais voilà, Manu était un peu l’Arlésienne de cette histoire.

Toutes mes tentatives pour susciter une rencontre de l’ensemble des acteurs présumés échouèrent. Ali se voulait rassurant, mais lorsque je pu enfin contacter Manu de vive voix, je réalisais qu’il n’était nullement question pour lui de s’engager dans une grande tournée pendant la période de l’avent, où devaient se réaliser un projet de paternité.

 

Je n’ai pas attendu bien longtemps, car l’idée qu’il y avait urgence à trouver un substitut à Manu ne semblait évidente qu’à moi seul. En effet, si Ali pouvait chanter ce genre de mélopées, uniquement accompagné d’une basse rythmique et d’une percussion, un tel exercice n’était absolument pas à ma portée. J’étais tout, sauf rassuré et ma confiance dans le projet musical annoncé s’était considérablement émoussée. Il était tout bonnement invivable si je ne trouvais pas un musicien d’une fiabilité avérée pour s’y associer. En l’occurrence, je n’en voyais qu’un, Jean-Luc Lamps.

 

A mon grand étonnement, Jean-Luc me confiait qu’il avait déjà accompagné un groupe pratiquant des musiques orientales et qu’il était tout à fait disposé à s’investir dans cette nouvelle aventure. Abdelhadi Belkehir témoignera, lui aussi, d’un indéfectible souci de perfection. Fort heureusement, car il y avait du pain sur la planche. Nous aurons consacré pas mal d’heures à nous trois, à mettre de la cohérence, à modifier les rythmes, les harmonies… dans ce que j’avais musicalement esquissé.

 

Ali, plus aléatoire, pouvait toujours ajouter au final de la couleur avec son instrument. Ses indisponibilités chroniques ne m’inquiétaient pas plus particulièrement, mais j’ai bien vite écarté l’idée d’un enregistrement. Ali n’avait que peu répété, car la corde cassée de son guembri s’avéra introuvable sur tout le territoire français jusqu’à la veille quasiment de notre premier concert.

 

A l’issue de notre tournée, je me trouvais à nouveau taraudé par l’idée que nous ne laisserions aucune trace de tout ce travail abouti et proposais à tous, un week-end dans le studio de Francis Adam. Le dernier enregistrement s’étant bien passé Jean-Luc ne témoignait plus des mêmes réticences. Je pris donc contact et réservais le studio du 10 et 12 février.

 

A deux jours de la date prévu, Ali me faisait à nouveau part de problèmes de disponibilité, de déplacements qu’il était sensé faire, de fêtes, de concerts auxquels il était sensé participer…. Je fis le forcing, le studio était réservé, tout cela engendrait des coûts, sa présence au cours du week-end était indispensable. Il finit par acquiescer du bout des lèvres pour le samedi soir, mais ne se sentait pas en mesure d’enregistrer les 2 chansons en arabe qui lui était réservées sur le futur CD. Notre répertoire ainsi amputé n’était donc plus composé que de 9 chansons. C’était un peu maigre.

Avec Jean-Luc, Martial Muller et Michel Vies, nous avions déjà commencé à répéter notre programme pour le temps de carême et mis, notamment, au point un air du mouvement des sans terre du nord-est brésilien : « L’arbre au bord de la route ». Yves Keler en avait réalisé une adaptation en français. La veille de l’enregistrement, pendant la nuit, j’adaptais le texte en alsacien « De Baum am Wäj ». Jean-Luc avait le morceau dans les doigts et je savais qu’Abdelhadi l’accompagnerait sans aucun problème.

 

Nous avons commencé à enregistrer le samedi matin. En fin d’après-midi, notre travail étant aux trois quarts achevés, j’interceptais un appel téléphonique d’Ali. Il ne pouvait venir comme prévu, étant tenu, en temps qu’organisateur, de ranger la salle où la fête se tenait. Nous nous sommes en conséquence tous donnés rendez-vous le dimanche matin. Ce qu’il nous restait à enregistrer était pour l’essentiel subordonné à la présence d’Ali.

 

Ali me téléphonera dimanche matin pour m’annoncer qu’il ne pourrait pas jouer, s’étant profondément entaillé le doigt. Je le sommais de venir malgré tout, quitte à ne pas jouer du guembri, mais pour enregistrer au moins les plages de chant pour lesquelles nous avions laissé des espaces blancs qu’il nous fallait impérativement combler. Mais voilà, Ali n’était pas à Strasbourg et ne pouvait, en tout état de cause y arriver, en train, au plus tôt qu’en début d’après-midi. Je le récupérais chez lui vers 14h. Il emmena son guembri « à tout hasard » et enregistra finalement dans l’après-midi, tout ce qu’il fallait, tout ce qui était prévu.

 

J’assisterai Jean-Luc au mixage. Mélanie Lefèvre qui nous avait déjà fait une maquette très originale pour le disque précédant, me proposera en guise de couverture une espèce de patchwork très coloré et très réussi.

 

« D’MARIA GEHT IM GARTE SPAZIERE » - « WIE’S UNS DE JOSEPH HET GEZAJT » - « D’MADAM SO UN SO » - « D’GUETE HIRTE (reprise de la chanson enregistrée en 2001 sur DE WÄJ NOOCH BETHLEEM)  - « GOTT KENNT DE NAME VON ALLE ZAMME » - « SELIG SIN DIE WIE BRÜEDERLICH SIN » - « UF’M KAMEL » (reprise de la chanson enregistrée en 2001 sur DE WÄJ NOOCH BETHLEEM) – « GLORIA IN EXELSIS DEO » - « DE BAUM AM WÄJ » (chanson du mouvement des sans terre de nord-est brésilien) - « ALLELUIA »

 

sont les 10 titres figurant sur cet album. Jean-Luc Lamps était au piano, Abdelhadi Belkehir a enregistré toutes les percussions. J’y ai rajouté quelques touches d’accordéon et j’ai tapé sur un cajon que j’avais ramené de Perpignan. Ali Makrani a chanté en arabe et a joué du gembri.

 

 

BIE UNS ISCH NOËL « WIHNACHTE » (2007)

 

St Chartier est un hameau perdu dans le Berry, dont le nom est familier à tous les folkeux d’Europe en raison du Festival qui s’y tient tous les ans vers le 14 juillet. Quelques amis : René Eglès, Edouard et Jacqueline Bauer du Folk de la rue des Dentelles… s’y rendaient régulièrement et depuis longtemps.

C’est là que je fis plus précisément connaissance de Sylvain Piron et de François Dréno. Sylvain était normand, François breton, mais tous deux étaient établis en Alsace.

Sylvain et moi avons sympathisé très rapidement. Il fut de ceux qui ont publiquement pris fait et cause, qui ont défendu notre travail, quand pour le plaisir d’un jeu de mot facile et d’un trait de plume assassin, un journaliste a tué dès la première représentation un spectacle longuement travaillé et de grande qualité, réalisé en collaboration avec « Les Messagers » et la « Chorale Vocalia », pour l’édition 2004 de « Summerlied ».

L’année précédente, j’avais emmené Gilbert Greiner, alors pasteur à Hoerdt, à St Chartier. Il en était revenu emballé. Je ne pris pas tout de suite au sérieux sa proposition de faire un Festival du même genre à Hoerdt, mais peu à peu, l’idée fit son chemin. Sylvain, Gilbert et moi imaginerons et réaliseront la 1ère édition de Music In – MusicA’out du 5 au 7 août 2005 ; la seconde du 4 au 6 août 2006.

François Dréno, quant à lui, devait rejoindre la formation que nous avions constituée autour de la musique Gnawa, pour un ultime concert donné dans le cadre de « Summerlied » 2006.

L’amitié, la complicité, le désir, la convivialité… sont les vecteurs qui ont toujours présidés à ma démarche artistique. Pour Noël 2006, l’envie de monter un projet avec Sylvain et François s’imposait tout naturellement ; cette envie était heureusement partagée.

Sylvain étant chanteur lui-même, je composais tantôt en français, tantôt en alsacien, quelques couplets permettant à tout un chacun de s’exprimer sur un fond de musique résolument « trad. »

Je ne reprendrai de mon propre répertoire que 2 chansons, déjà enregistrées en 92 et 95 : « AMEN » et « AN DE KRIPP ».

Les chansons et musiques seront enregistrées mi-janvier 2007chez Francis Adam, au terme d’une tournée de 20 concerts où le plaisir du public n’aura eu d’égal que le notre.

J’utilisais les photos réalisées (pour l’essentiel par Nicole Mathis) au cours de Music In – MusicA’out 2005 et 2006 pour réaliser la pochette d’un CD comportant 16 titres :

CERCLE (trad.) – LA DANSE EST NECESSAIRE / ZUEM TANZE SIN MER GEMACHT (trad. - musique et texte en français) – CHRISTMAS EVE (trad.) – NOËL GALLOIS (musique trad.) – FAISONS REJOUISSANCE / SO GIBT’S E SCHOENER DAA (trad. - musique et texte en français) – GEB MR DINI HAND (Lucien Koebel sauf texte français) – RONDEAU (trad.) – VENEZ BERGERS ET BERGERES / KOMME LIEWI FRIND (trad. - musique et texte en français) – NONOSUCH (anonyme du XVIIème siècle) – ALLONS, BERGERS, ALLONS TOUS / HALLO HIRTE KOMME SCHNELL (trad. - musique et texte en français) – BRANLE DE CHAMPAGNE / SO WELLE MER FIERE (musique trad.) – MAZURKA ITALIENNE (inconnu) – AMEN – AN DE KRIPP – TARENTELLE (trad.) – MARY HAD A BABY (musique gospel trad.)

François Dréno a joué du violon, a fait des percussions et des chœurs. Sylvain Piron a chanté, joué des accordéons diatoniques, des chalmies, de la cornemuse, des flûtes, de l’ocarina double et des percussions. J’ai moi-même chanté, joué de l’accordéon chromatique, de la guitare, de l’harmonica, du cajon et diverses percussions.

 

SUR LES CHEMINS DE LA PAROLE (2008)

 

Si la vie s’enrichit de nouvelles rencontres, elle est aussi faite de vielles amitiés. Celle de Sylvain m’était devenue précieuse. Je lui donnais rendez-vous pour Noël 2008. Celle de Rémy Drago ne l’était pas moins. Je lui donnais rendez-vous pour Noël 2009.

 

Les chansons, pour ces 2 projets, était déjà écrites pour l’essentiel, quand au début de l’été 2007, je me mis au travail avec Guillermo Jerez, Michel Bernard et Jean-Luc Lamps pour préparer Noël 2007. J’avais à nouveau puisé dans le répertoire des musiques traditionnelles d’Amérique latine pour écrire quelques nouvelles chansons. Certaines d’entre-elles auraient sans doute méritées d’être enregistrées, mais ma production en CD de Noël était plus qu’abondante.

 

J’avais aussi réalisé que si le fait d’enregistrer les chansons après les avoir rodées en public était à la fois un facteur de rapidité et de qualité, cela n’avait pas que des avantages. Le public aime à emporter ce qu’il vient d’écouter et la diffusion d’un CD dont les chansons ne sont plus interprétées est extrêmement aléatoire. Sans compte qu’un disque de Noël publiée au mois de février, ne trouve médiatiquement que peu de résonance… et puis j’avais un autre projet en tête.

 

J’avais écris 5 chansons pour « La vie… côté jardin », proposé pour Pâques 2006, repris et exporté en 2007 avec Jean-Pierre Albrecht. J’en ai écrit 5 nouvelles pour « Midrash : la parole du serpent » thème dont j’ai puisé l’inspiration dans un sermon d’Hélène Marx, pasteur à temps partiel à Hoerdt, pour ma méditation de carême 2008.

 

En marge de tout cela, Gilbert Greiner m’avait demandé d’écrire un poème à publier dans le bulletin paroissial pour je ne sais plus quelle rentrée. Je venais de retrouver « Fin d’été (retour à Hoerdt) » par hasard, sous une pile de partitions, sur le piano de ma maison de vacances à St Cyprien. 

 

Daniel Priss m’avait sollicité 2 ans au plus tôt. Il cherchait des textes à caractère religieux pour un chanteur qu’il accompagnait. Dans l’après-midi même je griffonnais « La prière d’un pauvre con » sur la nappe en papier du restaurant où je déjeunais… mais ce n’était pas le genre de texte qui peut convenir à de l’évangélique. Je le savais et ne lui imaginais aucune destination. Je l’ai retrouvé tout aussi fortuitement en faisant le ménage dans mon ordinateur.

 

Je rafraîchissais dans la foulée « Sodome et Gomorrhe » composé il y a plus de 30 ans auparavant et composais, sous je ne sais quelle pulsion « Le livre dans la chambre »

 

J’ai beaucoup travaillé en amont avec Jean-Luc Lamps. Il n’y aura que 3 répétitions avec Martial Muller et Michel Vies avant d’enregistrer, les après-midis des 26 et 27 janvier, chez Francis Adam, au studio Oméga. Pâques tombait tôt cette année. Il fallait que le CD fût disponible pour notre série de concerts qui commençait le 24 février.

 

Pour la pochette, je choisissais une photo que j’avais réalisée au Mémorial Walter Benjamin à Port-Bou.

 

Au final, le CD comportera les 16 titres suivants :

 

DIEU SE PROMENE EN SON JARDIN - VIVRE – MON CŒUR EN CE BEAU TEMPS D’ETE (Jean Balthasar König / Elsa Laborie) – FIN D’ETE (RETOUR A HOERDT)  - SODOME ET GOMORRHE – LES BEATITUDES – ON A CRUCIFIE UN MEC AU GOLGOTHA (blues traditionnel) – LA CHANSON DE L’EPICIER (bleus traditionnel) – LA BONNE NOUVELLE – L’ARBRE AU BORD DE LA ROUTE (chanson du mouvement des sans terre de nord-est brésilien / Yves Keler) – TOUT LE RESTE N’EST QUE DU VENT – LA PRIERE D’UN PAUVRE CON - PRIERE – LE LIVRE DANS LA CHAMBRE – LES SERPENS – LE DOUX MURMURE

 

 

DE WIND BLOST VON OSTE  (2008)

 

L’idée est venue de la journaliste Marie Brassart Goerg. Je n’avais jamais rien exploré du côté des Pays de l’Est et de l’Europe Centrale. C’est donc dans les mélodies traditionnelles de Russie, Pologne, Tchéquie, Ukraine, Roumanie, Lettonie, Hongrie, Croatie, etc… que j’ai puisé pour composer mes chansons de Noël 2008.

 

François Dréno m’avait prévenu : il s’était concentré cette année sur un projet qui n’était pas de simple portée régionale. Il ne serait donc pas disponible au mois de décembre. Avec Sylvain Piron est Jean-Luc Lamps, nous aurions pu constituer un trio tout à fait acceptable, mais une musique de ce genre, sans violon ou balalaïka, ça n’était pas très crédible. Dany Franck jouait précisément du violon. Non pas en virtuose, mais il avait l’avantage de jouer en sus, et tout à fait convenablement, de la mandole et de la mandoline.

 

J’appréciais au demeurant la compagnie de ce folkeux rencontré tant à St Chartier, qu’au très confidentiel festival du Hury à Ste Croix aux Mines, qu’à « Summerlied » à Ohlungen , qu’à Hoerdt où il avait fidèlement participé à toutes les éditions du Festival « Music in – MusicA’out » que Sylvain et moi y  avions créé.

 

L’enregistrement des 13 titres a été réalisé en un temps record. Commencé le samedi 22/11 à 9h (jusqu’à 18h), il s’est achevé le dimanche 23/11 à 13h.

 

J’avais à nouveau sollicité Mélanie Lefèvre pour une pochette qui se révèlera à nouveau originale et d’une symbolique très intelligente.

 

Les titres alsaciens ont été inventés au moment où il importait de les mentionner sur la pochette du CD. Nous avons conservé les titres originaux pour les instrumentaux.

 

CIRO KOLO suivi de la VALSE DES ROSES (instrumental) – BIM BAM BAIA – WAS DE WIND VON ODTE BRINGT – DE OCHS UN DE ESSEL – KESEREDES NOSZTALGIA (instrumental) – TOC TOC TOC – D’ENGEL – LA ROULOTTE (instrumental) – DRUCK D’AWE ZÜ – ALTI KINDER – FREMD UN VERLOHRE – DE WIND ISCH VON OSTE KOMME – D’LIEB DRINGT IN

 

ont été interprétés par Dany Frank (violon – mandole – mandoline et chant), Jean-Luc Lamps (claviers), Sylvain Piron (chant, accordéons diatoniques, cornemuse, flûte de corne et percussions). Je me suis moi-même accompagné à l’accordéon, au psaltérion, à l’auto harpe, à la flûte harmonique et aux percussions.

 

L’enregistrement s’est fait comme habituellement au Studio Oméga, où le mixage a été réalisé dès le mardi 25/11.

 

 

AM BACH ENTLANG (2009)

 

L’année 2009 sera riche en projets divers. Voilà des années que Robert Weiss me parlait d’enregistrer lui-même les chansons qu’il avait composées et dont la poésie très marquée par la culture et le vocabulaire des banlieues sud de Strasbourg, ne me correspondait guère. Je m’étais engagé à réunir les musiciens nécessaires à cet effet. Plusieurs fois différé le projet se concrétisera au mois de janvier. Mais l’enregistrement de « Liewesblick » au studio OMEGA de Gambsheim sera particulièrement tendu et le tout s’achèvera sur un clash qui éloignera pour un certain temps mes musiciens du studio où j’avais mes habitudes.

 

Le Festival « Music in – Music’Aout » que j’organisais pour la 5ème année d’affilée sera par ailleurs l’occasion d’accompagner dans ses débuts sur scène : Isabelle Loeffler. Rémy Drago nous avait rejoint pour cette occasion. Il y a longtemps que je n’avais plus travaillé avec lui, mais sans jamais perdre contact. Au hasard d’une rencontre dans un supermarché de Strasbourg, il m’avait confié 2 ans au par avant qu’il serait heureux de refaire quelque chose avec moi. Comme j’ai pour habitude de me projeter assez loin dans l’avenir, la première échéance possible se situait à Noël 2009.

 

Rémy, en passant de la musique sud-américaine à la musique classique, s’était finalement orienté vers le jazz. Mon idée était de revisiter le répertoire de cantiques, chorals et autres pièces classiques de J.S. Bach. Je n’envisageais pas de me passer de Jean-Luc Lamps. Rémy me suggèrera Christine Lachat, flûtiste exceptionnelle avec laquelle il avait lui-même travaillé sur un répertoire très spécifique. J’avais eu l’occasion de la croiser à l’occasion de l’un ou l’autre concert. Elle était curieuse et ouverte à cette idée.

 

Je n’avais au total composé que 10 chansons pour la circonstance, étant déjà très engagé par l’écriture d’une nouvelle méditation et d’un répertoire important de chansons en français en vue du carême 2010. Avec de tels musiciens, je pouvais envisager de compléter le CD par 2 instrumentaux.

 

SO KLINGT UNSIR WIHNACHTSGSCHICHT (Ach wie flüchtig ach wie nichtig / J. Crüger)

 - RONDO (Nocturne op.38 – F. Molino) Instrumental - AI ! AI ! AI ! (Lobet den Herren / trad. - J.S. Bach) -  SO WILL’S EJRI REGIERUNG (Menuet / J.S. Bach) - MACH MR DE GAUL NIT SCHEJ (Choral / J. Schopp)  - JESÜS FÜER UNS AN DE HAND (Ach was soll ich Sünder / trad. - J.S. Bach) - JEDE DAA ZE JEDRE STUND (Jesu der du meine Seele / Ch. Anton - J.S. Bach) - S’HUCKT E ENGEL UF’M DACH (Jesu meine Zuversicht / J. Crüger) - SICILIANO (J.S. Bach) Instrumental - HERRE UN MEISTER (Oh Traurigkeit / trad. - J.S. Bach) - GLORIA IN EXELSIS DEO (Menuet / J.S. Bach) - BRINGE HOFFNUNG (Oh Gott du frommer Gott / trad. J.S. Bach)

 

Je réalisais personnellement la pochette du CD, à l’exception de la page intérieure dont la photo est de Nicole Mathis. L’enregistrement se fera les 7 et 8 novembre au studio de Daniel Priss, où j’avais déjà enregistré « Le silence de Dieu »

 

 

AMIS MOTS (2010)

 

Dans la foulée du CD enregistré en novembre 2009, il était prévu d’en enregistrer un nouveau en janvier 2010. En français cette fois ci. 

 

Devaient essentiellement y figurer les chansons composées dans le cadre de ma méditation de carême (Sur la route d'Emmaüs), mais aussi quelques œuvres plus personnelles, écrites au cours de l’été passé. J’y ajouterai en dernière minute : « Paraboles », une chanson à répondre écrite 2 années plus tôt pour « Paraboles ! Fariboles ? », spectacle réalisé en 2008 avec Catherine et Sylvain Piron. Elle changera complètement de forme… et pour cause… !

 

Guillermo Jérez m’avait invité, il y a bien longtemps, à venir avec lui et en compagnie de Michel Bernard, chanter au Chili. En 2010, on y célébrait le 200e anniversaire de l’indépendance. Il y avait tout un répertoire à revisiter, des choses nouvelles, à composer, d’autres encore à apprendre… Mon accordéon allait reprendre du service.  Nous étions, entre autres, programmés à la « Semanas Musicales de Frutillar. », mais aussi dans la maison de la culture de Los Muermos, dans la bibliothèque de Puerto Montt, à Puerto Varas, à Hornopiren… Nos amis chiliens éditeront au demeurant un CD avec le matériel sonore que nous leur avions fait parvenir.

 

Prévu du 27 janvier au 14 février, ce projet ne me laissera guère le temps de travailler mes nouvelles chansons avec des musiciens dont il eut forcément fallu gérer l’emploi du temps individuellement.

 

C’est à grand-peine que Jean-Luc et moi trouverons 5 dates de répétitions pour mettre les 18 nouvelles chansons au point. La qualité de son accompagnement et de ses arrangements me satisfaisait de toutes manières…, l’idée par ailleurs, était que l’album porterait très clairement sa griffe.

 

FATALITE – NI DIEU, NI MAÎTRE – ELDORADO – MARCHE – VIDE TON SAC – N’ATTENDS RIEN – APPROCHE-TOI – NAÎTRE ET RENÂITRE – LES MOTS – Il N’EST JAMAIS LOIN DE TOI – ON N’EMPORTE JAMAIS RIEN – LA RENCONTRE – LES PARABOLES – LA NATURE DE DIEU – NE CHERCHEZ PAS – NUIT BLANCHE (LE COMBAT CONTRE L’ANGE) – FATALITE (version 2) – MOMENT DE PAIX sont les 18 titres d’un CD dont par exception, j’ai signé intégralement les textes et les musiques

 

« Fatalité », dans sa première version, avait été chanté au mariage de ma fille Aline. Pierre Zeidler avait accompagné la chanson à la clarinette. Je lui demandais de récidiver en studio… et d’ajouter, tant qu’à faire, son grain de sel, ici et là. Je sollicitais aussi François Dréno pour un coup d’archet. Daniel Priss, chez qui nous enregistrerons à nouveau, fera quelques parties de guitare basse. J’avais moi-même écrit à la hâte quelques contre-chants pour l’accordéon.

 

Pour la pochette intérieure, j’utiliserai 2 photos réalisées par Maurice Meyer à l’occasion d’un concert donné par Jean-Luc et moi dans l’Eglise St Pierre le Jeune à Strasbourg.

 

La couverture du CD a été réalisée par Daniel Jung, peintre à Brumath. Il avait exposé et peint dans l’église à l’occasion de nos 2 précédentes éditions de Music in – Music’Aout. Nous avions sympathisé et il s’était spontanément offert d’illustrer une de mes prochaines publications.

 

Je reviendrai encore régulièrement dans le studio de Daniel Priss en cette première moitié de l’année 2010, afin d’organiser et de participer à l’enregistrement de « Cœur de châtaigne », le premier CD d’Isabelle Loeffler. J’en ai réalisé la pochette et l’essentiel des arrangements. 

 

 

DIALOGUES AVEC UN ANGE (2011)

 

Pour Noël 2011, j’avais promis à Isabelle Loeffler que je lui ferais vivre l’expérience d’une grande tournée de concerts. J’avais dans mes tiroirs quelques chansons nouvelles et l’envie de poursuivre ma collaboration avec Michel Bernard et Guillermo Jérez. Notre tournée au Chili nous avait encore un peu rapprochés et Guillermo avait maintes fois exprimé l’envie d’en enregistrer le programme. Nous en avions entre-temps donné de larges extraits au Festival Summmerlied 2010 à Ohlungen.

 

Notre répertoire chilien étant inclusif de plusieurs reprises du CD « S’isch Wihnachte mi Corazon », n’ayant pas l’intention de republier ces mêmes titres, je pensais faire d’une pierre deux coups et enregistrer les 2 programmes sur une même galette.

 

Je mettrai un peu de temps à réaliser que tel n’était pas l’objectif de Guillermo. « Dialogos con un Angel » était son bébé à lui. Il n’avait pas l’intention de le noyer dans une entreprise saisonnière comme pouvait l’être Noël et surtout, il avait des idées bien précises sur ce qu’il voulait y voir figurer, sur la présentation, la pochette, la qualité musicale… Bref plus qu’un souvenir, qu’une carte de visite, ce CD se voulait, tant pour la France que pour le Chili, le reflet de son univers, de ses compétences musicales, de son ouverture…. Il s’agissait de ce qu’on pourrait appeler un « projet politique ».

 

Entre temps, nous avions au demeurant travaillé quelques chansons et musiques nouvelles, et au final, il y avait largement de quoi remplir un CD. J’ai donc passé la main à Guillermo, mettant plus globalement mes compétences et mon enthousiasme au service de ses desseins.

 

L’enregistrement se fera chez Daniel Priss en février / mars 2011, mais le mixage prendra du temps et le CD ne sortira qu’au début du mois d’août.

 

J’ai participé à tous les titres enregistrés, surtout par l’accordéon, mais aussi par le chant, les percussions, le psaltérion. Isabelle a accompagné quelques morceaux au chant, à la flûte à bec et aux percussions. Michel était à la guitare, au charengo et aux percussions, Guillermo au chant, à la guitare et au requinto.

 

Le CD comptera 15 titres… musiques traditionnelles d’Alsace et d’Amérique latine, mais aussi et surtout des compositions de Guillermo, de Michel ainsi que de textes français ou alsaciens écrits par mes soins.

 

TEMPS DE PLUIE – SUITE ALSACIENNE – SONGE D’UN PAYS – POLKA DE MEME LUX – ALLONS-Y – D’MARSEILLAISE – L’OURAGAN – CHANTONS L’HUMAIN – LES AMAZONES – CETTE FEMME SI BELLE – HYMNE A LA LIBERTE – CALVA VALSE – CUECA LONGUE DE LA DISTANCE – JE VOUDRAIS VIVRE – BRANLE A 7 TEMPS

 

 

WIHNACHTSERRINERUNGE (2011)

 

Enregistré au mois d’octobre 2011, dans la foulée de « Dialogues avec un ange », avec la même équipe musicale, l’album tient son titre des histoires, toutes parfaitement véridiques, que j’avais écrites pour les concerts de cette année-là. J’y évoquais pêle-mêle des souvenirs d’enfance, ma filleule, mes parents, mon frère, mes oncles et tantes, un Noël vécu en Argentine… ! Les chansons quant à elles, n’étaient pas nécessairement de la même veine.

 

Je n’en avais intégralement composé que 4… et encore, il s’est avéré que la mélodie de l’une d’entre elles ressemblait étrangement à St James Infermary.  Je l’ai donc indiquée comme « traditionnelle », même si cette nouvelle version est fort différente, tant en ce qui concerne le texte que la forme musicale, de ce que j’avais déjà enregistré en 2000 sur le dit air : « Jour de Fête » (sur Cantiques pour le temps de Carême) et « De Blick vom liewe Gott » (sur « Negro spirituals »).

 

J’étais encore tout baigné de musiques chiliennes. Je puiserai essentiellement dans ce répertoire pour écrire quelques textes nouveaux. Il restait en outre dans ma musette quelques chansons composées sur des airs latino pour la tournée 2007. Elles n’avaient jamais été enregistrées. En l’absence du piano de Jean-Luc, je ne pouvais pas les recycler toutes, mais nous venions précisément d’enregistrer l’une d’entre-elle, « L’ouragan », avec un texte révisé suite à notre aventure chilienne.  Il suffisait en fait de la remixer avec le texte d’origine.

 

J’invitais par ailleurs les 3 artistes qui m’accompagnaient à enrichir l’enregistrement d’un instrumental de leur choix. Je forcerais un peu la main à Guillermo Jérez pour qu’il opte pour le très populaires « Loup de mer de Chiloé » que j’avais entendu, interprété par des gars qui faisaient la manche dans le port de Puerto Montt. Il en avait conçu un arrangement et il fera de même pour le « Noël angevin » sélectionné pour l’épinette des Vosges par Isabelle Loeffler. Michel Bernard proposera « Bailando », une œuvre très dansante de sa composition.

 

Le CD comportera finalement 14 titres : DE WIHNACHTSGRUESS (sur un traditionnel chilien) – ER KOMMT ZÄRTLICH WIE E KIND (sur un traditionnel chilien) – ES ISCH WIHNACHTE (sur un traditionnel guatémaltèque) – DE ALT SEEBÄR VON CHILOE (air populaire chilien de P. Diaz) – ICH KOMM, HERR (sur une structure harmonique proche de St James) – DIEU TE DIT : « VIENS ET VOIS » (sur un traditionnel portoricain) – OWEGEBÄTT (de Lucien Koebel) – NOEL ANGEVIN (air traditionnel) – FRAJ DICH HANS TRAPP KOMM HERAB MIT DE TROMMEL (sur un noël chilien traditionnel au tambour) – BAILANDO (de Michel Bernard) – WIHNACHTE KOMMT (sur une bourrée bourbonnaise traditionnelle) - ALLELUIA

 

 

IL FAUT AIMER EN LARGE ET EN LONG  (2015)

 

Pour l’été 2012, j’avais présenté un projet de création pour la grande scène du Festival « Summerlied » à Ohlungen. Le plateau se professionnalisant d’année en année, j’étais convaincu que ce serait là l’ultime occasion. J’avais écrit à cette fin une dizaine de textes nouveaux sur des mélodies traditionnelles d’Alsace (à l’exception d’une bourrée).

 

Je m’étais entouré, sous la direction de Jean-Luc Lamps (au piano), d’excellents musiciens, pour moitiés amateurs et professionnels. Il y avait là Vincent Bor à la basse et à la contrebasse, François Dréno au violon et à la guitare, Razika Djoudi à la flute traversière, Engé Helmstetter à la guitare manouche, Martial Muller à la batterie. Avec Sylvain Piron (accordéon diatonique, fuyara et nyckelharpa), Isabelle Loeffler (chant) et Catherine Piron Paira, nous travaillerons un spectacle chorégraphié.

 

Le coût, même à minima, d’un tel spectacle en alsacien, ne nous donnera pas l’occasion de le proposer ailleurs dans cette « formation de luxe », si ce n’est en avril 2013 dans la ville de Schweighouse sur Moder, qui avait participé au financement de la création.

 

L’envie d’enregistrer tout ça ne me manquait pas, mais la vente de CD était devenue plus parcimonieuse, compte tenu de l’évolution des possibilités de téléchargement gratuites. Un CD pouvait éventuellement se vendre dans la foulée d’un spectacle, …difficilement hors cette circonstance. A défaut, je publiais en 2014 deux livres : « Les mots nus » où je consignais les textes de toutes mes chansons françaises, et « Contes, chroniques et confidences » dont mon ami l’aquarelliste Jean-Paul Ehrismann signera la couverture et la quatrième de couverture.

 

La série de concerts envisagée pour le temps de carême 2015, m’enhardissait à envisager un nouvel enregistrement dans une quantité raisonnable. J’avais inlassablement écrit des chansons nouvelles et de musiques pour mes tournées de 2012 à 2015.  J’en avais déjà enregistré quelques-unes en 2012 dans le studio de Daniel Priss avec Jean-Pierre Albrecht au synthétiseur, mais si les interprétations en public tenaient la route sans problème, en audio pur, le compte n’y était pas. J’abandonnais les chansons écrites en 2013 pour un instrumentaire plus folk et confiais à Jean-Luc Lamps le soin de prendre tout cela en main ; de l’arranger à sa guise. Vincent Bor et Isabelle Loeffler participant à la tournée de carême, nous leur proposerons de participer à l’enregistrement, auquel j’ajouterai moi-même quelques parties d’accordéon.

 

Comme il y avait 19 titres à arranger (dont un instrumental composé par Jean-Luc), il y avait du pain sur la planche et le weekend prévu en studio plusieurs fois reporté, pour finalement être fixé au 7 et 8 février.

 

Ce projet entrera de surcroit en collision avec un autre événement : l’assassinat des caricaturistes de « Charlie Hebdo », et de la mobilisation des artistes d’Alsace qui s’en est suivie, à l’initiative de Jean-Pierre Schlaag et de Michel Reverdy. Au clip enregistré dans le studio de FR3 Alsace, succédait très rapidement l’idée d’un grand concert dans le Zénith de Strasbourg. Il se trouve que le Zénith était précisément disponible le dimanche 8 Février. Monter un tel spectacle (150 artistes : chanteurs solistes, musiciens, choristes, caricaturistes) nécessitait bien entendu son lot de répétitions.

 

Nous parviendrons néanmoins à tenir les délais et dès le lendemain du concert nous commencerons le mixage. J’avais à nouveau conçu la pochette en travaillant quelques photos : pour la couverture, une scène photographiée dans le musée de cire de Salon de Provence (Marie-Madeleine débarquant en Provence) et, à l’intérieur, un bateau en mer, photographié en contre-jour au Cap Creus, près de Cadaqués.

 

 

WURZLE (2015)

 

Daniel Priss avait enregistré « Il faut aimer en large et en long » en renonçant à tout bénéfice. Il lui en était resté en héritage un lot de boitiers, dont je m’étais engagé à trouver utilisation. Le CD ayant par ailleurs trouvé acquéreurs au-delà de mes espérances, dans une série de concerts de carême qui aura joué les prolongations jusqu’au mois de septembre 2015, j’avais finalement réalisé une opération sans frais. Je pris donc la décision de réinvestir, dans une opération qui elle, ne le serait certainement pas.

 

Je contactais rapidement les musiciens qui m’avaient accompagné à l’occasion du festival Summerlied 2012. Ils étaient tous disposés à participer à un enregistrement dont l’objectif initial était essentiellement de « garder une trace ».

 

Daniel, avait besoin d’amortir à minima des frais de studio qui seraient significativement plus substantiels. Le répertoire n’avait plus été joué depuis longtemps, les musiciens étaient nombreux, Jean-Luc Lamps qui avait fait les arrangements ne voulait plus travailler dans l’urgence, mais sans précipitation, afin d’aboutir à un produit particulièrement soigné. Les heures de studio s’accumuleront pour atteindre un record. J’ai tenté timidement de frapper aux portes de quelques « institutions » en leur proposant une coproduction, mais rétif aux contraintes administratives, pour un résultat aléatoire et en tous cas dilatoire, je me retournais avec plus de succès vers quelques amis et le Liederbrunne, sous le label duquel le CD sera publié.

 

Le spectacle présenté au Zénith au mois de février connaîtra une version estivale : « Les voix de la liberté », à laquelle je m’associais, en compagnie d’autres artistes : Alexandra Alléon, Clémentine Duguet, Corinne Guth, Flore M, Christel Kern, René Eglès, Christian Fougeron, Milo Lee, Jean-Pierre Schlaag, Pascal Vecca, accompagnés par un ensemble de choristes sous la direction de Damien Schubert, un quatuor à cordes, une section de cuivres, un ensemble musical sous la direction de Michel Reverdy… et les crayons de divers caricaturistes.

 

Je ne serai de ce fait guère disponible au mois de juillet, mais trouverai malgré tout le temps d’accompagner Jean-Luc Lamps, Martial Muller et Vincent Bor au studio pour superviser l’enregistrement de la base rythmique (piano à queue, batterie et contrebasse) des 16 chansons, les 12 premières étant celles créées le 15 août 2012 sous le titre : « Wurzle », spectacle de clôture du Festival Summerlied à Ohlungen. Le même concert avait été accueilli par la suite dans le cloître de l’église St Pierre le Jeune à Strasbourg, puis le 6 avril 2013 dans le centre culturel de Schweighouse sur Moder.

 

A l’exception d’une bourrée bourbonnaise dont j’avais déjà utilisé l’air en 2011 sur le CD « Wihnachtserrinnerunge », les mélodies sont traditionnelles d’Alsace. Ce sont des airs à danser. D’autres ont été sélectionnées dans « Das Volkslied im Elsass de Joseph Lefftz et dans « Anthologie du chant scolaire et postscolaire. Les titres originaux sont en italique. J’ai écrit tous les textes à l’exception de : Lied eines Krigskrüpel, et du poème d’Henri Mertz que j’ai adapté :

 

- Es kann jo nit so widersch gehn (Der Morgenstern) - Es es es un es - Lieb ohne Grenze (Nachtigall ich hör dich singen) - Liewer Frind, nem din Instrümentel (Ronde à 7 temps) en hommage à mes amis les folkeux - D’Zärtlichkeit (Lied der Krimkrieger) - Es weht mol e andere Wind (Wenn die Trompeten Blasen) - Im Kreis (L’anneau) en hommage à toutes celles et ceux que j’ai pu croiser dans les cercles de silence - Ich sing in de Wind (Branle Régine) - Relativität (Texte Henri Mertz / Das Maisle pfift) - Am Fade (Bourrée bourbonnaise) - ‚s Schlaraffeland (Drunte im Unterland) - Lied eines Krigskrüpel

 

En bonus, j’ai ajouté 4 chansons de ma composition :

 

De Brief im Kaste - Bie de Alte isch mr guet ghalte - Es schnejt - D’Gedult (sur la mélodie d’un vieux cantique allemand : Morgengruss). Ces trois dernières ont été créées pour mes concerts de Noël 2013.

 

J’enregistrerai le chant le 20 aout - Engé Helmstetter la guitare le 24 – Razika Djoudi la flûte traversière le 25 – Sylvain Piron le nyckelharpa, l’accordéon diatonique, la fujara et quelques chœurs le 26 – Catherine Piron Paira, le psaltérion, la flûte à bec et des chœurs le même jour. Isabelle Loeffler qui venait de se fracturer 3 doigts, disposera néanmoins de ses cordes vocales pour le chant qu’elle enregistrera le 27 et François Dréno, qui avait pareillement des problèmes de main, nous enverra depuis son studio en Touraine, sa contribution au violon, limitée à deux chansons. C’est Jean-Luc qui suppléera, en jouant ses partitions au moyen d’un violon plus « synthétique ». Daniel Priss improvisera un petit prélude à l’harmonica. J’ajouterai quelques touches d’accordéon et de glockenspiel.

 

Le mixage a été terminé le 7 octobre et nous a occupés 3 jours pleins. La photo de la couverture a été prise par Rémy Débes en 2012 à l’occasion d’une répétition à Wiwersheim. A l’intérieur du livret d’accompagnement, on en trouvera deux autres prises sur scène par Jean-Claude Hatterer.

 

 

J’AI ENCORE ENVIE DE BAISERS SUR LES LEVRES (2017)

 

 

J’avais pris pour habitude de monter mes tournées de Noël en alsacien, alternativement avec Dany Franck, Isabelle Loeffler et Sylvain Piron, puis avec Vincent Bor, Isabelle et Jean-Luc Lamps.

 

En 2016, Sylvain avait procédé à plusieurs enregistrements publics en vue de la production d’un CD live, mais à l’écoute je n’ai pas été convaincu. Il aurait fallu piocher dans des enregistrements réalisés dans des églises diverses pour obtenir au final un résultat certes musicalement correct, mais acoustiquement incohérent.

 

J’avais par ailleurs poussé Isabelle à investir d’avantage le conte que la chanson. Elle avait à mon sens des potentialités plus grandes dans ce domaine et pouvait parfaitement l’enrichir de ses dons musicaux. Je l’accompagnais ainsi à chaque occasion en tant que musicien.

 

En 2016, comme en 2017, je m’étais entouré de Vincent et de Jean-Luc pour mes concerts de carême. Ils nous conduiront comme habituellement à travers l’Alsace, mais aussi à Perpignan, Collioure, Salon de Provence, ainsi qu’à Céret où nous donnerons un concert profane. Ce duo me convenait parfaitement. Nous pouvions travailler vite et efficacement. Jean-Luc et Vincent m’accompagneront régulièrement à l’occasion des autres divers concerts au cours de ces années.

 

J’avais pris de l’avance, écrivant textes et composant musiques pour des chansons en français jusqu’à l’horizon 2019, mais j’avais aussi promis de longue date à Jean-Pierre Albrecht que je ferai la tournée de carême 2018 avec lui.

 

Je convenais dès lors avec Jean-Luc d’enregistrer les chansons nouvelles qui figuraient à nos programmes des deux années passées, mais d’y ajouter aussi celles de l’année à venir. Jean-Luc s’investira entièrement dans ce projet, me proposant au fur et à mesure des arrangements réfléchis, discutés et travaillés sur mesure.

 

Au mois d’octobre tout était prêt, et, entre le 6 et le 8, nous enregistrerons 14 titres chez Daniel Priss au studio Jazzophone :

Pardon - Lève-toi – Les apparences - La raison du plus fort - Hérétiques et maniaques - Sait-on ou va la rivière ? - Réformer - Le ver dans la pomme – Peur - A l’eau - Dieu en nous – Illenau - J’ai encore envie de baisers sur les lèvres – Merci (dont Jean-Luc avait signé la musique)

 

Vincent à la contrebasse et Isabelle au chant seront nos complices. Ils participaient cette même année à la tournée de Noël dont les répétitions débuteront dans la foulée. Daniel lui-même s’investira musicalement en ajoutant quelques parties de basse et de guitare. J’avais accompagné « Sait-on où va la rivière » au dulcistre et ajouté un peu d’accordéon dans la chanson titre.  Le choix de ce dernier doit tout au hasard. Invité chez Marcel Kieffer, un ancien collègue de travail, peintre à ces heures, je restais scotché par un de ces dessins. Il illustrait ce désir de baisers comme s’il avait été réalisé sur commande.

 

J’avais prévu de ne publier l’ouvrage que pour la tournée de carême 2018. Le mixage pouvait donc attendre. Mais pour en abaisser le coût de revient, je décidais d’en faire presser un minimum de 500 exemplaires et de les proposer à quelques amis sous forme de coproduction, comme j’avais fait pour « Wurzle ».  En contrepartie je m’offrais de leur livrer les CD avant Noël, en exclusivité, et à prix coutant. Jean-Luc portera un soin particulier à ces opérations qui, au final, le mobilisèrent encore plus que l’enregistrement proprement dit.

 

Cette même année, deux titres paraîtrons sur une « Anthologie du Patrimoine Musical Alsacien » éditée par les Editions Frémeaux et Associés » de Vincennes : « De Hans im Schnockeloch » publié en 2005 sur « Es bluest et kalter Wind » et « Lieb ohne Grenze » publié en 2015 sur « Wurzle »

 

  

 

WIHNACHTSLIER UN ANDERI (2019)

 

Jean-Luc et Vincent n’étant pas impliqués dans les tournées de carême et de Noël 2018 (ce qui ne les mettait pas pour autant au chômage), je confiais à Jean-Luc un nouveau lot de chansons en vue des tournées de Noël 2019 et de carême 2020. Je pensai enregistrer dans la foulée un nouveau CD en alsacien, un autre en français pour les deux occurrences.

 

Mais en 2019, je fus amené à refuser l’une ou l’autre proposition de concert en raison d’indisponibilités de Jean-Luc. Il finira par me confier qu’il avait prévu de s’installer, pour des raisons tant personnelles que professionnelles, au Luxembourg et qu’il ne sera donc plus disponible dans l’avenir que pendant les weekends.  Il s’engageait par contre à respecter toutes les échéances déjà convenues.

 

Je décidais alors de me rapprocher de Rémy Drago, pour travailler avec Vincent Bor un programme qui nous permettrait de nous produire en l’absence de Jean-Luc. Les deux musiciens, par contre, n’étaient pas interchangeables en ce qui concerne mes projets d’enregistrement.

 

Jean-Luc avait déjà arrangé plusieurs titres (dont 8 en alsacien), mais le temps de passer en studio nous manquait manifestement, et ce n’était de toute manières pas assez pour proposer un nouveau CD.  Par ailleurs, j’avais déjà fait des adaptations en alsacien de « Illenau » et de « Dieu en nous », dont les musiques enregistrées sur l’opus français précédent, étaient utilisables. Au cours de l’été, je mis mon temps de vacances à profit pour écrire deux nouveaux textes sur les musiques de « La raison du plus fort » et « Le ver dans la pommes ». J’adaptais enfin un texte du pasteur Alfred Schaeffer sur « Lève-toi ». Avec 13 chansons c’était jouable.

 

Mais le 23 août, en entrant de vacances un événement imprévu (un a.v.c.), allait me rappeler que si nous ne sommes pas toujours maîtres des horloges, nous le sommes encore moins de nos destins.

 

J’avais assez correctement récupéré vers la mi-octobre, mais ma voix restait fragile, un peu voilée. Suite à quelques séances de rééducation chez l’orthophoniste, je me hasardais néanmoins à prendre rendez-vous dans le studio Jazzophone avec Daniel Priss. J’y enregistrais les 13 titres le 4 novembre en une seule après-midi et souvent en une seule prise, mais renonçait par exception à jouer d’un instrument de musique.

 

Zweisprochig - De Herr Pfarrer - De Männerchor – Epiphanias -So lang wursch dü mich nit verlon - Ich brüch dich (selon le cantique « J‘ai soif de ta présence ») - Gott in dir

- Immer – Illenau - Hoffentlich kommsch bis an s’Meer - Grossvater verzehl - Hoffnung (Texte : A. Schaeffer) - Sing einfach la la la

 

Jean-Luc Lamps m’avait confié ses arrangements (clavier et programmation).  Vincent Bor qui nous accompagnait à nouveau dans la tournée de Noël, était à la contrebasse dans les reprises musicales. Isabelle Loeffler me rejoindra le 4 novembre dans le studio pour enregistrer quelques contrechants.

Je fis moi-même la maquette de la pochette, Nicole Mathis ayant réalisé la photo à l’intérieur du livret.

 

Je publiais concomitamment « Les étranges paradoxes de l’ordinaire » 15 textes de chansons et poèmes (en français) et 9 nouvelles.

 

LE CHEMIN (2020)

 

Réaliser mon envie d’enregistrer un nouvel album en français pour la période de carême, allait relever de l’exploit du coureur marathon.

 

Si notre tournée de Noël fût à nouveau une belle aventure (j’ai fort heureusement pu assumer tous mes engagements) la tournée de carême qui allait suivre se présentait sous un jour (relativement) moins serein.

 

Ce fut autour de Vincent de connaître quelques soucis de santé. L’agenda de Jean-Luc s’avérait particulièrement serré. Nous n’avions pu nous mettre d’accord que sur 2 dates de répétitions communes. Intégrer dans ce calendrier un travail en studio d’enregistrement, était tout simplement inenvisageable.

 

Jean-Luc au demeurant n’était pas très chaud pour se replonger dans une activité d’arrangeur. Il s’était déjà beaucoup investi quelques mois plus tôt pour le CD de Noël.

 

J’avais dans ma musette les chansons écrites dans le cadre de ma méditation contée et chantée du carême 2019, celles pour le carême 2020 et quelques chansons inédites dont je n’étais pas certain que j’aurais l’occasion de les chanter en public de sitôt. Si je ne les gravais pas pour les proposer dans le cadre de cette nouvelle tournée de carême, leur enregistrement (et concomitamment l’opportunité de les diffuser), manquait sérieusement de pertinence. Il fallait que l’album soit disponible au plus tard le 1er mars.

 

A défaut de mieux, je me proposais de tout enregistrer en posant simplement ma voix sur le piano de Jean-Luc. Je garderais pour le moins une trace (la mémoire) de ce que j’avais écrit et composé.

 

Nous avons commencé par faire une maquette qui allait me permettre de travailler le chant. Jean-Luc, de son côté, perfectionniste qu’il était, se collait malgré le manque de temps à des arrangements qu’il me soumettait et qu’il affinera au fur et à mesure.

 

Daniel Priss, qui se chargeait de l’enregistrement, était en Egypte les premières semaines du mois de février. Ce n’est d’ailleurs que mi-février que les fichiers audios définitifs se révélèrent prêts et que je pus me rendre au studio pour enregistrer le chant. Je le fis comme à Noël en me contentant d’une, au maximum de deux prises par chanson.

 

Les 15 titres validés sont Je n’écris plus de récit de voyages (dont Jean-Luc avait signé la musique)- La vie n’est rien que violence - Le pouvoir - Mise en garde - La deuxième couche -  Révélations - Enfonce les portes closes - Un temps pour toutes choses - Tout est toujours différent - Jamais toujours - Si tu savais - Voilà pourquoi j’achète le journal - Le chemin - Deux musiques étaient déjà enregistrées sur le CD précédent : Sing einfach la la la qui devenait - Chante l’ami, chante (il fallait néanmoins intercaler une strophe supplémentaire) et Zweischprochig qui deviendra  - Bilingue. Ici le texte ne changeait en rien. Ma voix étant néanmoins timbrée autrement, je décidais de le rechanter. Ces deux chansons boucleront l’album.

 

La photo de la couverture a été prise en Roumanie, lors de mon dernier « Chemin ». Ce clin d’œil est bien involontaire. J’avais imaginé une dizaine de pochettes très différentes. Je les ai soumises à un sondage auprès des internautes et c’est celle-ci qui a recueilli un maximum de suffrages.

 

Sur les 17 concerts prévus pendant ce carême 2020, seuls les trois premier pourront être maintenus. Un virus dénommé Covid 19 interdira toute activité culturelle publique. Je profiterai des deux mois de confinement strict, pour écrire quelques nouvelles qui, rassemblées avec des textes plus anciens seront publiés dans : « Triptyque », un livre dont Jean-Paul Ehrismann réalisera la couverture ?

 

 

SO LANG SCHON UNTERWÄJS (2020)

 

Pour la tournée de Noël 2020, j’avais à nouveau sollicité Lucie Aeschelmann pour imaginer une histoire à raconter. Isabelle Loeffler, Dany Franck et Sylvain Piron, seront comme toutes les années pairs (depuis 2012) mes complices.

 

Plusieurs fois envisagée, jamais réalisée, l’idée d’enregistrer les chansons créées à l’occasion de ces tournées, sera relancée par Dany. Il s’offrait au demeurant de participer financièrement à la réalisation de ce qui sera mon 30ème et sans doute dernier album, l’industrie phonographique semblant avoir acté l’enterrement du CD.

 

En raison, de la pandémie en cours, ne n’aurons que peu de temps pour répéter tout ce programme. Nous en aurons d’autant moins que quelques paroisses m’avaient proposé de reprendre en septembre / octobre, le programme de carême interrompu au mois de mars, et qu’il a fallu retravailler cet autre programme.

 

Sylvain, peu à l’aise en studio, enregistrera (à l’exception de sa voix), toutes ses interventions chez lui. L’objectif, globalement, sera moins de tendre vers la perfection que de garder une trace, le souvenir de ces années d’amitiés, et de ce que nous proposons en live au public.

 

L’enregistrement, le mixage, le mastering seront réalisés au studio Jazzophone de Daniel Priss, et achevés le mercredi 14 Octobre. Les CDs seront disponibles le 30 octobre. Ce même jour, le gouvernement décidait d’un nouveau confinement et leur diffusion en sera, tout comme pour le CD précédent, lourdement handicapée.

 

Sur l’ensemble du répertoire nous avons retenu 12 chansons et un instrumental spécialement composé pour des instruments de musique fabriqués par Sylvain Piron à base de mats de tente (des tentophones) :

 

ADVENT (R. Engel / A. Schaeffer) - S’VERZEJE (Trad. / R. Engel) – FER MARIA ISCH DIE ZIT ERFÜELT (O.von Weissenburg / Y. Keler) – HERR ICH BIN ZE FRIDE - DACHLOOS (R. Engel) - HOPLA GEISS (A. Dübück / R. Engel) - S’TÄNNEL UN S‘ KIRCHBAIMEL (Trad. / R. Engel) – IN DE NACHT SPIELT E HARMONIKA (R. Engel) – AIR POUR MANDOLINE, GUITARE ET DEUX TENTOPHONES (R.Engel) - KALTER WINTER (R. Engel) - WINTEROWE (R. Engel / R. Buchert) - DE HERRGOTT WACHT (Trad. / R.  Engel) - D’ZEICHE VON DE ZIT (Trad. / R. Engel)

 

 

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